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Cette semaine, une race a fait l’actualité deux fois. La première actualité n’est pas une jolie actualité, c’est le genre d’actualité que je m’épargne normalement. C’est un fait divers, triste et sanglant. Deux chiens sortent d’un enclos, se baladent et attaquent trois chiens et leur propriétaire. La différence de gabarit et l’âge de l’un des chiens, un chiot, ne les ont pas aidés. Le bilan est tristement sanglant puisqu’il compte morts et blessés. La seconde actualité, elle, prête à sourire. Une célèbre histoire trouve une fin métaphorique. Un chien qui a attendu le retour de son maître décédé toute sa vie est réuni avec lui dans l’éternité, au travers d’une statue. Cette statue et cette histoire montrent toute la fidélité de cette race et toute la relation qu’ils peuvent développer avec une personne.

Ces actualités ont malheureusement un lien avec la sélection, la responsabilité de chacun pour avoir un chien équilibré et le défaitisme ambiant que l’on retrouve si souvent.

Le comportement général d’une race dépend de la sélection qui est faite au sein de cette race. La création même des races vient de cette sélection. Grand, moyen, petit, très fin ou au contraire très gros, toute ces caractéristiques physiques viennent d’un besoin humain au départ. Les comportements eux aussi ont été modulés par nos envies et nos besoins.

C’est-à-dire que si nous voulons un chien de taille moyenne, idéal pour faire de la zoo-thérapie, possédant des poils longs, à force de sélection, on pourra atteindre notre but, même si cela comprend que cette race de chien doit être peu sensible, calme, sociable … Ce qui ne veut pas dire que tous les chiens de cette race répondront parfaitement à ce profil.

Je vais résumer quelques faits :
- Lors de la socialisation du chiot, les autres chiots et les adultes influencent son comportement (par exemple : un chiot ayant un comportement prédateur peut être conforté dans son comportement par sa fratrie ou au contraire, abandonner ce comportement faute de réponses, ainsi un Jack Russell éduqué dans une portée de Patou pourra se montrer bien peu prédateur).
- Un traumatisme chez l’adulte peut se retrouver chez sa progéniture sans que cette dernière n’ait vécu le traumatisme
- Le comportement des parents influence les comportements de la progéniture

Maintenant imaginons que vous désirez faire une portée. Vous avez une femelle, plutôt aboyeuse, vous choisissez un mâle et il n’arrête pas d’aboyer lui non plus. Les petits recevront leurs héritages génétiques et grandiront dans ce climat d’aboiement. Il ne faudra pas être surpris si les chiots aboient et posent des problèmes à leurs futurs propriétaires pour ça, alors peut-être faudrait-il les prévenir ? Attention, ils seront aboyeurs.

Ce sera tout aussi vrai si on parle d’agressivité ou d’angoisse ou … Donc les personnes faisant de la reproduction ont une influence directe et une responsabilité sur le comportement des chiots qui naissent chez eux. Bien-entendu, il y a des milliers de choses qui influencent le comportement canin tout au long de la vie de l’individu. Il ne faut pas oublier les choix de l’adoptant, les acquis, … Mais l’éleveur, la personne qui choisit de faire reproduire son chien, a une part de responsabilité.

Là où les choses deviennent malsaines, c’est lorsque l’on abandonne l’idée même de faire une sélection comportementale sous prétexte du « ils sont comme ça ». Imaginez, ils ne sont pas sociaux. Parmi eux, il y en a sans doute des plus ou moins sociaux, un tout petit peu plus, un tout petit peu moins, mais la différence est là. Ne pas faire de sélection, c’est accepter le comportement, le trouver intéressant pour la race et décider de le faire perdurer. Si le comportement en question pousse certains pays à catégoriser la race, met en danger d’autres chiens, peut mettre des personnes en danger, est-ce un comportement intéressant pour la race ? Je pose la question.

Là où les choses deviennent aberrantes, c’est lorsque l’on part de l’idée que puisque les chiens « sont comme ça », rien ne sert d’avoir les connaissances nécessaire en socialisation, ce qui permettrait pourtant de les rendre « non dangereux ». Les adoptants ne sont plus choisit pour leurs connaissances ou leurs compétences, mais pour leur acceptation de l’idée que la race est « comme ça ».

Malheureusement, une idée sur une race peut conduire à une absence de sélection et à un choix d’adoptants surprenants … Des adoptants qui ne sont pas du tout accompagnés de la bonne façon puisque la mentalité ambiante est défaitiste. Ça ne sert à rien d’essayer puisque … « ils sont comme ça ». Imaginez à quel point ça peut être dévastateur au sein d’une race ! L’image même de la race, soutenue par certains passionnés de celle-ci, est totalement faussée.

Alors oui, le comportement de ces deux chiens, qui ont causé ce fait divers pourrait être le seul fait d’un mauvais maître ou d’une histoire particulière .... Ou bien le fait de « ce ne sont pas des peluches », « ils sont comme ça », « il n’y a rien à faire de toute manière », « on n’est quand même pas responsable de l’agressivité de son chien », « l’éleveur n’a tout de même pas de responsabilité quant au comportement des chiots qu’il fait naître », … Toutes ces idées ont une incidence. Elles ne sont pas sans conséquences.

Un jour, en exposition, un jeune chiot s’est approché de mon chien en sautillant, en faisant des appels au jeu. Il était adorable. Mon chien a répondu plutôt mollement, mais sans inquiétude. Là-dessus le propriétaire du chiot l’a puni « parce qu’il allait faire du mal » à mon chien. Que va apprendre ce chiot si ce n’est que lorsqu’il s’approche d’un autre, il risque une punition ? Que jouer fait mal ? Comment pourrait-il apprendre à se maîtriser ? Comment pourrait-il apprendre à accepter les autres ? A les apprécier ? Ou même simplement chercher à ne pas s’en défendre ?

Un autre mauvais propriétaire ou peut-être seulement une de ces autres personnes qui sont pris au piège de ces phrases toutes faites : « ils sont comme ça », « il n’y a rien à faire », … Alors rien n’est fait, avec les conséquences que cela peut avoir.

Cette race, la seule qui parvient à m’inquiéter à cause de ces mots, à cause de comportements agressifs reconnus et revendiqués par de trop nombreuses personnes, laquelle est-ce ? Je ne sais pas si c’est important. Peut-être qu’à chaque fois que quelqu’un dit simplement « la race est comme ça » sur un ton fataliste, il faudrait s’arrêter et se demander : pourquoi ?

C’est à chacun de comprendre et de combattre les idées reçues, afin de protéger ces races et ces chiens que l’on aime.
MarineOslo
MarineOslo
Je lis vos échanges 5 ans après et je crois que rien n'a changé... "ils sont comme ça, il n'y a rien à faire" (je parle des humains bien évidemment) (blague, évidemment)... c'est désespérant ! Heureusement qu'il reste d'irréductibles gauloise-es pour penser et agir différemment... Mais c'est épuisant !