La hiérarchie entre l’humain et le chien est un sujet délicat et si l’on parle de placer un bébé ou un enfant dans cette structure c’est avant tout à cause d’un certain nombre de croyance. Il y a l’idée que si le chien n’est pas correctement placé dans la hiérarchie, ce qui signifie généralement être tout en bas de la pyramide à ce qui nous semblerait être plutôt « la plus mauvaise place », alors il n’obéira pas, il ne sera pas épanoui (le poids de responsabilité serait trop lourd pour lui) voire il se montrera agressif car ce serait dans l’agressivité que se bâtirait ladite hiérarchie. Et puis, comment se faire obéir par ses « sous-fifres d’humain » si ce n’est par l’agressivité ? Donc, si on veut un chien obéissant, serein et non dangereux, la hiérarchie serait la grande solution… et le fait que les règles pour y parvenir relèvent plus de la croyance aveugle que d’une quelconque observation du comportement animal ne semble pas déranger grand monde. Ce qui m’ennuie de mon côté, c’est que si on a trouvé de bons arguments pour se dire que ça en vaut le prix (sécurité, obéissance) et de quoi se pardonner (bien-être animal sur le long terme), en réalité ces arguments ne tiennent pas la route. Et puis, avoir besoin de se pardonner d’avance pour agir, ça laisse quand même présager le pire…
La grande question au final, c’est : qu’est-ce qui met un bébé ou un enfant en sécurité ?
Ce n’est pas l’obéissance. L’obéissance ça empêche le chien d’agir (par exemple : lui apprendre à ne pas prendre si on ne lui donne pas un code spécifique) et ça arrête le chien (par exemple : lui faire faire demi-tour pour qu’il revienne et s’éloigne du cycliste qu’il avait envie de suivre), mais ça suppose une véritable attention de la part de l’humain. Si on veut vraiment que l’enfant soit en sécurité, il faut que le chien n’ait pas d’intention de lui nuire, qu’il se sente zen et calme autour de lui. C’est très différent de l’obéissance. Le chien peut rester immobile tenu par un ordre tout en tremblant à l’idée de passer à l’action. Lui demander d’attendre avant de dévorer sa gamelle nous le montre bien. L’obéissance peut se faire malgré l’envie… Seulement, l’humain est faillible, alors compter sur l’obéissance pour contenir les envies et les émotions, ce n’est pas une bonne idée. Disons que cela peut fonctionner comme un filet de secours en cas d’accident, mais ce n’est pas là-dessus qu’il faudrait compter en premier lieu. Prenons une analogie, imaginons que vous soyez le passager dans une voiture. Avoir une ceinture de sécurité, un airbag et des technologies diverses et variées dans la voiture c’est bien. Si vous avez un accident, ça va vous aider. Mais ce qui compte le plus pour rester en sécurité, ça reste le comportement du conducteur. S’il décide de se jeter d’un pont, de foncer dans un mur, … les ceintures de sécurités ne suffiront pas ! Bah pour le chien c’est pareil, on peut mettre en place plein de choses mais avant tout, il faut s’assurer qu’il soit bien dans ses pattes.
Ce n’est pas la place dans la hiérarchie, non plus. Je comprends que l’on puisse penser qu’une fois en bas de la hiérarchie il va « respecter ses supérieurs » et donc, éviter de les agresser. Ça reste un peu étrange comme idée car on a également tendance à penser que le chien désire grimper dans la hiérarchie à travers plein de petites manœuvres sournoises mais aussi à travers des coups d’éclats sanglants. Du coup, être au-dessus pourrait être tout aussi dangereux voire plus dangereux qu’être en-dessous. Car après tout, on pourrait se dire qu’on n’agresse pas « les plus faibles » ou encore que l’on protège les « plus faibles de la meute ». En fonction de la manière dont vous voyez le chien, vous pouvez basculer sur l’une ou l’autre de ces idées. Les chiens, en tant qu’espèce, sont-ils des bêtes sanguinaires en quête de pouvoir ? Ou des tyrans infâmes maltraitant les plus faibles ? Pour ma part, la réponse sera : ni l’un, ni l’autre.
Dans les faits, la hiérarchie entre l’humain et le chien est une construction récente qui ne protège pas des morsures (ce serait même plutôt l’inverse puisque bien des techniques pour « soumettre le chien » provoquent des situations d’auto-défense et donc peuvent entraîner des morsures).
Par contre, la piste du bien-être est sans doute une bonne piste. Alors on n’obtient pas le bien-être animal en cherchant à le soumettre à nos lubies humaines concernant l’ordre des repas dans la maison, l’ordre de passage aux portes ou qui a le droit de grimper sur le canapé ou de dormir dans le lit… Tout ça, c’est finalement très secondaire et quelques soient vos choix, cela n’aura qu’une faible incidence sur la sécurité. Ce qui est important, pour reprendre l’analogie avec la voiture, c’est toujours ce que fera le conducteur. Or un conducteur particulièrement stressé ou furieux n’est pas un super conducteur. Vous n’auriez sans doute pas envie de grimper avec lui. S’il est épuisé, dépressif avec le regard dans le vide, ça ne vous tentera peut-être pas non plus. Et malheureusement, un certain nombre de techniques concernant la hiérarchie vise à obtenir ce type d’état tout en les décrivant comme « apaisé » ou « calme ».
Si on désire avoir de la sécurité, « apaisé » et « calme » c’est bien, à condition que ce soit les bons mots pour décrire l’état du chien. Et une bonne solution pour réussir à obtenir ça, ce n’est pas d’essayer de mettre en place une hiérarchie mais c’est plutôt essayer de respecter son chien réellement, lui permettre de combler ses besoins, de choisir des activités saines à partager avec lui, lui permettre de prendre des décisions, lui permettre de refuser des situations aussi… Fouillons également du côté des signaux d’apaisement pour avoir une chance de comprendre son chien et des tests de consentements pour pouvoir s’assurer que tout va bien. Et puis, oublions la hiérarchie.
Oublier la hiérarchie, vraiment ? Et bien, je peux comprendre que certains soient « superstitieux » et préfèrent suivre des règles inutiles « au cas où ». Si la règle est juste inutile et qu’elle n’entraine pas de soucis ou ne bloque pas des solutions plus pertinentes, alors pourquoi pas ! Simplement, il faut faire attention à ce que cela ne devienne pas un casse-tête infame (avec treize tétée par jour, quand donner à manger à son chien pour qu’il mange après le bébé ?) et que ça n’ait pas de contre-indications (devoir rester derrière les humains qui avancent au rythme du bambin, ça vient toucher à la dépense du chien mais également à sa frustration, ce qui peut justement provoquer une situation dangereuse !).
A retenir :
La hiérarchie entre l’humain et le chien ne permet pas d’assurer la sécurité.
Viser le bien-être du chien pour qu’il soit épanouie et plus calme est plus efficace.
Faire des tests de consentement afin d’apprendre à respecter son chien est plus pertinent que de s’imposer sans réflexion.