Je suis pour l’éducation positive, mais parfois, ça ne marche pas. Dans cet article on va voir un peu les limites de ce type d’éducation, pourquoi ça ne marche pas ou au moins quelques exemples et pourquoi parfois c’est génial que ça ne marche pas, car oui, le fait que ça marche ne devrait pas être notre seul et unique but.
Quand on décide d’appliquer une méthode d’éducation, on n’a pas envie d’échouer, on n’a pas envie que ça ne marche pas, on veut de l’efficacité et de la rapidité. Je pense que cette approche est une erreur car le chien va apprendre tout au long de sa vie, il va apprendre pendant chacune des interactions et ces apprentissages vont gérer une énorme partie de la relation que l’on aura avec lui. Ce n’est donc pas un petit sujet et le but ne devrait pas être d’apprendre "juste " deux ou trois trucs puis de ranger les méthodes d’éducation au placard.
L’éducation positive est une éducation assez technique et dans cet article, on va voir des détails. Pour les bases, je vous recommande de lire plutôt le
récapitulatif.
Donc, déjà, l’éducation du chien peut être décomposée en type de renforcement et de punition qui se basent sur des principes de survies. Il faut comprendre que tous les chiens sont sensibles à chaque type de renforcement et de punition, dans le cas contraire, ce sont des chiens qui ne peuvent pas s’adapter pour survivre. C’est effectivement possible mais ce n’est vraiment pas bon signe pour la santé de ces chiens.
Pour qu’un chien soit apte à être éduqué en éducation positive, il faut donc qu’il puisse vouloir refaire quelque chose lui apportant une aide à la survie (nourriture, eau, confort, …) et qu’il cesse ce qui ne fonctionne pas du tout.
On dit parfois qu’il faut s’adapter au chien et donc, que tous les chiens ne peuvent pas être sensibles à ce type d’éducation : c’est faux. Ce sont des principes de survie, donc l’éducation positive fonctionne que ce soit sur des molosses dressés au combat à grand coup de bâton ou sur des boules de poils dorlotées et choyées. Il n’existe pas de chiens immunisés contre l’éducation positive.
Par contre, il y a effectivement des cas où ça ne marche pas … Le premier des cas est malheureusement le manque de compétence. C’est le gros souci de l’éducation positive, il ne s’agit de distribuer des friandises, il ne s’agit pas d’ignorer ce qui nous embête, il ne s’agit pas d’être gentil ou pire, laxiste. Non. C’est une éducation exigeante qui demande un certain nombre de connaissances et de compétences et c’est pour ça qu’il ne faut pas hésiter à se faire aider par des professionnels dignes de ce nom.
Seulement, il n’y a pas que le manque de compétence, non ce n’est pas toujours la faute de l’humain. L’éducation positive est une éducation qui marche à la motivation. On motive le chien à faire ce que l’on désire et à nous de jouer avec les conflits de motivation pour réussir même si d’autres choses sont motivantes. Heureusement, parfois, on ne peut pas motiver suffisamment le chien. Oui, j’ai bien écrit : heureusement.
Prenons un cas basique, il s’agit d’un vieux toutou, pas très agile et on décide de lui apprendre un exercice de base, tout bête et qui ne pose normalement aucune difficulté : assis. Une friandise, le chien doit la suivre du bout du museau, on pratique gentiment le leurre et patatra : ça ne marche pas. Il a compris le leurre, le timing est correct, le placement parfait, il devrait s’asseoir et il choisit de ne pas le faire. Education positive = échec. Ce même chien repris en coercitif, c’est-à-dire simplement sans lui laisser le choix finira assis (puisqu’il n’a pas le choix). En le manipulant, en le forçant, il finira assis ou il finira par mordre (ce qui est aussi une possibilité).
Alors pourquoi "heureusement" que ça ne marche pas en éducation positive dans ce cas précis ? Le fait que ça ne marche pas est une information vraiment intéressante et importante. Notre timing est bon, le début de placement du chien est bon, tout ce que l’on fait est "parfait" et ça ne marche pas. Pourquoi ? Là, mine de rien, nous venons de poser une question fondamentale. Pourquoi ce chien choisit-il de ne pas avoir la friandise qu’il désire pourtant ? Si tout le reste est vraiment ok, il reste une piste : la douleur (ou dans d’autres cas, un besoin inassouvi).
Version humaine : Si j’ai vraiment très mal quand je m’assois, je ne m’assiérai pas pour toucher mon salaire. Désolée, mais non merci.
Il y a un ordre de priorité et ne pas souffrir fait parti des priorités. Par contre, si ce même chien est totalement affamé, il pourra tout à fait estimer que manger vaut le coup de se faire mal. Il acceptera d’en payer le prix. (Non, je ne suis pas en train de recommander d’affamer les chiens, simplement d’avoir ceci en tête : la priorité des besoins).
Donc l’éducation positive échouera toujours si le chien peut satisfaire un besoin plus important que ce soit courir dans tous les sens pour se défouler, manger un truc pour assouvir la faim ou rester immobile pour ne pas souffrir. Que ça ne marche pas est donc une sonnette d’alarme intéressante : il y a un problème de besoins et un besoin, ce n’est pas juste une envie, on ne va pas tenter de le combattre, on va permettre au chien d’y répondre et de l’assouvir.
Résultat en éducation positive, pour ce chien nous avons eu un échec (étape 1), une prise de conscience (étape 2), une réaction à ce problème (étape 3 : dans ce cas vétérinaire, ostéopathe, …) puis si le problème est résolu, nous pouvons recommencer et obtenir la réussite (étape 4).
Résultat en éducation coercitive, simplement sans laisser le choix au chien, nous avons eu une réussite (étape 1). Elle intervient donc beaucoup plus tôt, sauf que l’on ne prend pas conscience de la douleur du chien, que l’on risque la morsure car appuyer sur un endroit douloureux peut pousser à l’auto-défense et que l’on n’a pas eu l’occasion de résoudre ce problème de "fond".
Ne pas réussir immédiatement peut donc avoir un réel intérêt et c’est l’une des richesses de l’éducation positive, elle permet de beaucoup mieux comprendre son chien et de mettre le doigt sur certains problèmes. Précisons que ces besoins que l’on affronte peuvent être très variés avec un chien inquiet, la fuite peut être un véritable besoin et alors il ne sera pas du tout réceptif.
Affronter un véritable besoin est donc l’une des limites (plutôt chouette) de l’éducation positive, mais ce n’est pas la seule.
Une autre limite : le comportement que l’on désire voir disparaitre est auto-renforçant. C’est une limite super intéressante également en terme d’apprentissage car cela permet de voir que l’apprentissage n’est pas une décision humaine. Le chien décide quand il apprend et nous, quelques soit la méthode employée, nous ne pouvons pas empêcher la venue de tels apprentissages.
Des exemples concrets de comportements auto-renforçant : la propreté, le vol, déchirer un sac poubelle, …
Le chien "vole" (d’après l’humain, pour lui, il a juste saisi une opportunité) -> il trouve à manger -> il se fait plaisir -> il sait que ce type d’actions est à recommencer.
En éducation positive, il y a des tonnes de méthodes différentes mais les plus simples vont consister à retirer purement et simplement l’opportunité. On supprime le problème à la base et ainsi on n’affrontera pas l’auto-renforcement, mais pour certains comportements, on ne peut simplement pas supprimer l’opportunité. Par exemple la propreté … faire soulage, c’est donc auto-renforçant et on ne peut pas empêcher totalement le chiot d’uriner ou plus. On apprend donc au chien un comportement de remplacement : une autre opportunité un peu plus alléchante. Pour la propreté il s’agira de faire dehors + récompense.
L’auto-renforcement ne se voit pas toujours au premier coup d’œil et peut donc être un peu délicat à appréhender, il peut devenir un grand ennemi quel que soit le type d’éducation que l’on pratique et il peut conduire à l’impression que "ça ne marche pas" (si, si, ça marche, mais c’est un autre renforcement que l’on ne maîtrisait pas qui a fonctionné).
Maintenant on va aborder la bête noire, les 3D ou "comment mettre la charrue avant les bœufs". Souvent l’éducation positive échoue car notre objectif n’est simplement pas réalisable. Une personne m’a dit sur le ton de la critique que l’éducation positive, ça ne marche que si on n’a pas de grosses exigences et quelque part, elle a raison.
On va commencer par faire la version humaine : Une fille rentre à l’école vétérinaire, premier jour, on lui apprend l’anatomie de base des yeux. Deuxième jour, on l’a met au bloc opératoire et on lui demande de gérer une chirurgie complexe des yeux. Patratra, ça ne marche pas.
On ne peut pas demander à un chien qui vient d’apprendre assis de réussir un assis au milieu d’un marché, plein d’odeur et de bruit, alors qu’un groupe de chien vient faire des appels au jeu et qu’on se tient à 3 / 4 mètres de là. Attention, ça ne veut pas dire qu’on ne pourra jamais, jamais, jamais le faire. On pourra, comme cette jeune vétérinaire pourra un jour réaliser des chirurgies extrêmement complexes, simplement, ça ne se fera pas du jour au lendemain et elle bénéficiera d’un apprentissage logique …
Les 3D (distance, distractions, durée) vont venir gérer les degrés de difficulté d’un apprentissage pour permettre au chien d’apprendre à gérer tranquillement. Malheureusement, on a tendance à être trop pressé et à ne pas vouloir prendre le temps de travailler ces difficultés correctement ce qui conduit à l’échec. Un peu de rigueur et de patience vont permettre d’être extrêmement exigeant simplement cette exigence sera adaptée au niveau de son chien et du coup, on n’aura même plus cette sensation de dureté.
Quand je dis "il est hors de question que mon chien réclame à table", mon chien a toujours appris à ne pas réclamer à table et pour lui comme pour moi, ce n’est pas difficile, c’est même tellement basique que l’on a tendance à oublier qu’il sait le faire. Mais du point de vue de propriétaires qui laissent leurs chiens réclamer, c’est extrêmement exigeant. Alors oui, l’éducation positive est une éducation où nous ne sommes pas très exigeants dans le sens où nous nous adaptons au niveau de notre chien et où nous prenons le temps de l’amener à un niveau qui nous convient réellement. Un niveau où ce ne sera plus une difficulté d'obéir.