Lorsqu’une partie d’échec débute, tous les pions …
Lorsqu’une partie d’échec débute, tous les pions sont parfaitement alignés. Si un joueur décidait de ne pas bouger, que pourrait faire son adversaire ? Le roi ennemi est derrière une ligne de pion qui peuvent attaquer n’importe qui se présentant trop près d’eux. Tous ensemble, ils interdisent l’accès à cette ligne. Le roi est encadré par d’autres pièces maîtresses. Il est à l’abri. En s’approchant, l’autre armée y perdrait sans doute bien des pièces et autant de forces. Ils se mettraient en danger.

Au cours de la partie, cette même situation peut se reproduire : ne rien faire peut-être plus avantageux que de bouger le moindre pion. En bougeant, on risque de briser l’équilibre dans les pions protégés, en bougeant on risque de se mettre en danger. Seulement voilà, il faut agir.

Heureusement, contrairement aux échecs, dans la vie, nous pouvons nous permettre de passer notre tour, nous pouvons nous permettre de ne pas agir. Cette non-action est très importante dans des cadres variés et à des niveaux différents.

Prenons quelques exemples…

Dans le cadre d’une rééducation, les professionnels, les bénévoles, les personnes encadrant le chien peuvent décider de ne pas agir. Parfois, il est plus intéressant de ne pas agir dans l’immédiat pour intervenir : plus tard, dans d’autres circonstances ou avec une autre préparation.

Par exemple si je ne sais pas pourquoi le chien mords (qu’est-ce qui déclenche sa morsure ?) et si le chien ne communique clairement pas avant de mordre (grognement, montre les dents, cherche à s’éloigner, …), je refuse de m’en occuper directement. Pourquoi ? Parce que je risque de faire des erreurs, il ne pourra pas me les signaler (absence de grognement), je me mets donc en danger. S’il me mord, son avenir est compromis, il devra passer une évaluation comportementale, la confiance des autres humains sera sans doute brisée, il sera à jamais « un chien qui a mordu » et mon action en aura rajouté une couche. Les meilleures choses que je peux faire dans ce cas précis c’est :
  • Confier le chien a un collègue plus qualifié (qui respectera réellement le bien-être du chien)
  • Observer le chien et définir un cadre de sécurité pour pouvoir agir correctement par la suite
Ici, je décide d’avoir ou de ne pas avoir de contact avec un chien. C’est une décision très importante qui n’a rien d’anecdotique, mais bien souvent « ne rien faire » correspond à des choses beaucoup plus petites qui se jouent dans nos relations avec nos chiens.

En agissant, on peut créer des apprentissages de manière totalement involontaire.

Dans le cadre de l’apprentissage à la propreté, certains conseillent de sortir le chiot qui vient de faire à l’intérieur pour l’amener à associer la miction à l’extérieur. C’est quelque chose que j’ai pratiqué jusqu’à avoir un chiot qui en quelques répétitions a très bien compris. Vraiment très, très bien compris. Vraiment trop bien compris, en réalité. Faire quelques gouttes permet de sortir et elle adorait sortir. Il n’y avait donc plus qu’à se mettre en action.

Pour éviter cet apprentissage, il aurait mieux valu que je ne fasse rien. En cas de miction en intérieur, c’est trop tard, c’est loupé. Et une fois ce mauvais apprentissage effectué, j’ai choisi de ne plus rien faire. Elle a vite compris que sa combine ne fonctionnait plus. Faire pipi dedans ne lui apportait plus aucune réponse de ma part : elle est rapidement devenue propre (puisqu’elle était encouragée à faire dehors, uniquement).

Ne rien faire face à ce comportement de miction en intérieur était la meilleure stratégie. Ca peut néanmoins être une stratégie énervante, frustrante, difficile pour l’humain.

Autre exemple, quand un chien a peur, les gens sont souvent tentés de l’appeler, de lui montrer leur main, de chercher son attention, … mais pour un chien qui a peur, c’est juste inquiétant. En réalité, si vous vous posez pour lire un livre ou faire une sieste, ça aura sans doute beaucoup plus d’impact positif sur lui. Votre non-action lui permettra de prendre le temps de vous découvrir, à son rythme. Ainsi, à la maison, c’est en dormant que j’ai réussi à obtenir de très gros progrès sur un problème de peur de l’humain. C’était idéal : l’humain ne bougeait pratiquement pas et le chien pouvait y aller étape par étape.

Il y a beaucoup d’autres exemples possible au sein de la relation homme-chien et des apprentissages qui l’accompagnent, mais nos actes peuvent également impacter les relations entre chiens. En cherchant à les rendre copain, en cherchant à leur donner des friandises en même temps (pour qu’ils deviennent amis), en cherchant à imposer les contacts, en réduisant les longueurs de laisse, en ajoutant de la tension, … on peut venir compliquer une relation qui se serait faites sans problème entre deux individus canins.

Parfois, le mieux à faire, c’est de s’abstenir d’agir. Cette position, très particulière, où l’on refuse d’interagir directement avec l’individu ou le problème, elle peut être difficile à comprendre. Elle peut provoquer plein d’émotions violentes chez l'humain, de la peur à la colère. Elle peut sembler inconsciente ou inutile alors qu'il s'agit peut-être du placement le plus malin, le plus correct, le plus intelligent que nous pourrions avoir. Du coup, accordons nous un peu de temps pour réfléchir avant d’agir !