Vous avez peut-être vu des personnes et surtout des professionnels travaillant à deux autour d’un même chien. Il y a donc deux laisses qui sont relativement tendues. Parfois, on voit également ce type de travail avec une seule personne, qui tient une laisse, relativement tendue en général alors que le chien porte déjà un collier et une laisse à l’attache, tenu le long d’un poteau par exemple.
J’ai l’impression que ce genre de techniques deviennent populaires alors j’ai décidé de vous en parler brièvement. L’idée est d’abord de mettre tout le monde en sécurité, car on emploi cette technique sur des chiens qui vont réagir et tenter d’attaquer l’humain. Donc, première question est-ce que mettre le chien dans une situation où il va attaquer est une bonne chose pour lui ?
A chaque fois que le
chien est dans sa zone rouge celle-ci aura tendance à s’agrandir. C’est-à-dire, un danger arrive et voilà que le chien réagit. Que vient-il d’apprendre exactement ? Ce danger s’approchera assez pour que ce soit nécessaire de réagir... Donc aucune raison d’attendre autant, autant se protéger aussi vite que possible. Cet apprentissage est très mauvais, donc non, mettre le chien dans cette situation n’est pas une bonne chose. Cette simple constatation devrait pousser à choisir une autre solution. Il faut autant que possible essayer d’éviter de le mettre en zone rouge et donc, il faut respecter ses distances de confort.
Néanmoins, si la technique marche et je ne dirais pas qu’elle ne marche pas, car sinon personne n’essaierait de l’employer, c’est parce que derrière cet apprentissage, il va y en avoir d’autres. Le chien ne va pas réussir à se défendre. Il va peut-être bondir vers une personne mais l’autre laisse se tendra et il ne pourra pas l’atteindre.
Si vous vous souvenez de
l’article sur la détresse acquise, vous devez comprendre assez facilement le mécanisme. Ce n’est pas très compliqué, quand une situation problématique ne peut pas se résoudre, le chien finit par abandonner tout comportement, car tout pourrait empirer la situation. Cette absence de réaction, c’est la détresse acquise. Visuellement, c’est très joli à voir, le chien devient calme, passif, tranquille,... Un vrai miracle. Donc, seconde question, est-ce que mettre le chien en détresse acquise est une bonne chose pour lui ?
Les descriptions de cet état et de ce qu’il fait sur le corps sont plutôt inquiétants. Déjà, il faut noter que l’on classe cet état parmi les souffrances et que les travaux qui l’ont accompagné parlent notamment de désespoir. Ça vend du rêve, hein ? Et donc, ce très joli calme, influence le système immunitaire et tout un tas de trucs ... On parle notamment de crises cardiaques, de cancers, etc, etc. Dois-je vraiment préciser que non, ce n’est pas souhaitable pour l’animal ?
Donc quand on prend la décision de mettre un chien dans sa zone de réactivité puis de l’y laisser jusqu’à ce qu’il tombe dans de la détresse acquise, on a effectivement un résultat : un chien tranquille visuellement, mais on n’a pas pour autant un problème résolu. Pour résoudre un problème, il faut avant tout s’occuper de sa cause. Pourquoi ce chien attaque-t-il lorsqu’un humain est trop près ? Est-ce un apprentissage qui a été fait ? Est-ce un problème de peur ? Etc, etc...
Imaginons que le problème soit un problème de peur. Pensez-vous réellement qu’en quelques minutes ou même quelques heures voire quelques jours, coincé entre des humains qui peuvent faire des choses agressives, le chien retrouve son calme et n’a plus peur ? Si la réponse est "non" et logiquement, c’est non car il n’y a aucune raison de ne plus avoir peur si les personnes sont agressives... Alors vous comprenez que l’immersion (mettre le chien au sein de la situation pénible jusqu’à ce qu’il se calme) n’est pas une bonne solution.
Néanmoins, c’est une solution qui peut être employée parce qu’on a l’impression que rien d’autre n’est faisable, là maintenant tout de suite, en l’état. Et puis, visuellement : ça marche. Alors on retrouve ce superbe argument "ces techniques, ça sauve des chiens". Quand j’entends cet argument je ne peux pas m’empêcher de penser aux orphelinats de la honte. A ces reportages photos qui ont montré un jour, au monde entier, comment l’humain pouvait traiter ces orphelins en abandonnant des enfants, en les entassant, en les laissant sans soins, sans coin de chaleur,... Sans rien du tout. C’est peut-être idiot, mais au final, il y a une question sur les moyens que l’on désire se donner. Tous les orphelinats ne sont pas ainsi, donc il y a bien une question de choix quelque part. On fait ce que l’on peut, certes, mais on fait aussi en fonction de sa propre éthique. Si on décide de gérer une situation, sans appeler au secours, on est responsable de ce que l’on fait. Ce n’est pas une obligation que de s’occuper d’un animal et encore plus quand on est professionnel. Personne ne nous force à faire quelque chose qui ne va pas dans le sens du bien-être animal... Gérer l’urgence, c’est une chose, mais ces quelques minutes passées, on peut peut-être se débrouiller pour que ce ne soit plus une urgence.
Malheureusement, les bonnes structures n'existent pas forcément de partout actuellement, mais que s’il y a quelque chose à créer, une évolution possible, c’est plus au travers de techniques respectueuses que de solutions violentes pour le chien, aussi douce soit-elle visuellement.
Alors que peut-on faire à la place de ces techniques ? On peut choisir de respecter les distances de confort et régler le souci de fond... Il n’y a rien de magique là-dedans. Rien de spectaculaire non plus mais ça marche sur le long terme et mettre en confiance, calmer, canaliser,... C’est possible. C’est une question de choix, avant tout.
Alors, je ne dis pas qu’il n’y aura jamais de situations pénibles mais que l’on peut faire le choix de la patience et placer notre éthique suffisamment haut pour que "le moins pire" des choix soit un "bon choix" pour le chien aussi.