Nous avons vu toute une série de vidéos autour du
conditionnement opérant et de l'émotion. Aujourd'hui nous allons parler d'éduquer les émotions. Une émotion ça ne s'éduque pas ? Ah bon. En êtes-vous certain ?
Nous avons vu que l'émotion ne s'éduque pas comme un comportement. Si je récompense un chien d'avoir peur, la peur ne va pas grandir... Ça ne veut pas dire que mes comportements ne peuvent pas amener la peur à grandir. Ce que je fais à une incidence sur l'émotion de mon chien. Mon manque de réaction, mes cris, ma panique, ... tout ceci aura une incidence sur son émotion, parfois une incidence quasiment nulle, parfois une incidence très forte. Je pense que c'est assez intuitif. Si vous voyez un chien blottit dans un coin en train de trembler, vous vous doutez qu'en lui hurlant après, vous lui ferez encore plus peur. Mais ici, nous parlons de réactions immédiates, le mot éducation suppose un petit détail supplémentaire. Il va y avoir un apprentissage et les résultats dureront dans le temps.
Laissez-moi maintenant vous décrire quelque chose ... Il s'agit de ma chienne. Elle est en balade, en train de marcher et une ombre apparaît dans le lointain. Aussitôt, elle se tend, son corps se raidit alors qu'elle se redresse, cherchant à définir un peu plus ce qu'est cette ombre. Qu'est-ce que c'est ?
Exemple 1 c'est un chat ! Ça tombe bien, elle adore poursuivre les chats ! S'ils se retournent ou s'arrêtent, elle s'arrête et leur aboie dessus. Allez ! C'est drôle quand ça court.
Exemple 2 c'est un chien ! Oh un potentiel copain ! C'est génial ça, elle ira voir avec joie mais également beaucoup de politesse, parce qu'on ne sait jamais.
Exemple 3 c'est un humain ... Son cœur s'emballe, la panique arrive, il faut réagir et réagir vite. Elle risque de charger l'humain pour le faire fuir aussi loin qu'elle a peur.
Une ombre, potentiellement trois émotions différentes. Comment est-ce que ma chienne en arrive à "les chats c'est rigolo", "les chiens c'est souvent sympa" et "les humains, ce sont des monstres qui veulent vous dévorer" ? Y'a pleins de petits mécanismes d'apprentissages dont nous pourrions parler comme la généralisation qui est un sujet passionnant et souvent oublié ... Mais au-delà de ça, quand ma chienne est née, qu'elle n'était qu'un tout petit chiot sortit du ventre de sa mère, elle ne savait pas ce que les chats c'est rigolo. Elle n'avait pas la moindre idée que les chiens c'est souvent sympa. Et malheureusement, elle découvrirait bientôt que les humains sont des monstres.
Elle a donc eu des expériences, elle a découvert des trucs et face à ses expériences elle a ressentit des émotions. A présent, lorsqu'elle voit arriver quelque chose, elle se prépare. Oh, un chat ? Non, mais les chats c'est rigolo. Oh, un humain ? Au secours. Elle ressent des émotions avant même que le chat ou l'humain en question n'ait pu choisir comment réagir. Ce n'est pas ce chat précisément qui provoque de la joie et de la poursuite. Ce chat n'a encore rien fait. Son émotion vient de ses apprentissages passés.
Résumons : l'émotion, ça s'éduque MAIS ça s'éduque différemment du comportement.
Oui, parce que ressentir de la joie devant un chat, c'est une chose. Décider de courir après, c'est autre chose. La joie, c'est l'émotion. Courir, c'est le comportement. En soit, elle pourrait apprendre à réagir autrement en montrant sa joie à travers des appels aux jeux au lieu de lancer une course-poursuite dont le chat ne veut vraiment pas. Là, le comportement aurait changé alors que l'émotion serait toujours la même.
Un autre exemple, le fait de charger pour faire fuir est un comportement de peur. Ce n'est pas le seul comportement possible avec cette émotion. Elle pourrait attaquer réellement. Elle pourrait fuir. Elle pourrait se mettre derrière nous. Il faut vraiment distinguer l'émotion du comportement.
Donc nous pouvons conserver une émotion et chercher à changer le comportement ... Ou nous pouvons nous en prendre directement à l'émotion. Pour modifier les émotions, nous pouvons faire appel aux principes d'associations positives et négatives.
Prenons un exemple d'association négative. Si je ne veux pas que ma chienne court après les chats, je pourrais essayer de faire en sorte de changer son comportement par un apprentissage. Mais je peux également décider de me débrouiller pour qu'elle ne ressente plus de la joie devant un chat. Donc à chaque fois qu'elle verra un chat, je prends un fouet et je lui éclate le dos. Les chats = danger !
Un fouet et je lui éclate le dos ? C'est pas un peu violent ? Oui. C'est même très violent, mais c'est bien-entendu juste une expérience de pensée et pour une fois, j'espère que ce cadre d'expérience de pensée sera vraiment évident ;) Bref ! Les chats = dangers, nous avons changé l'émotion.
Les associations négatives sont forcément désagréables ... ça ne veut pas dire qu'elles sont forcément coercitives.
Prenons un autre exemple d'association négative. Un chien désire une caresse. Il la veut vraiment très fort. C'est quelque chose qui a une énorme valeur pour lui. D'ailleurs, il est en train d'en recevoir. Là, un autre chien se pointe et pouf, les caresses disparaissent. Pourquoi ? C'était juste la fin de la séance de grattouille ? Après X expériences similaires, le chien va comprendre que ce sont ces autres chiens qui arrivent qui font disparaître ses caresses qu'il adore alors il décide de les chasser. Que personne ne s'approche ! C'est aussi une association négative et ici, nous venons de voir comment un chien peut apprendre à défendre des caresses. D'ailleurs, j'ai décris une solution autour d'une association positive (les autres chiens permettent de gagner plus de caresses) dans
l'article sur la possessivité.
L'association positive, on en parle assez souvent dans les problèmes comportementaux. C'est quelque chose qui permet de rattraper des problèmes graves en s'occupant réellement de combattre l'émotion de base (ce qui est un travail difficile, précisons-le). Mais pour cet article, j'aimerai souligner autre chose. Pour éviter que ma chienne n'ait peur de l'humain, il aurait suffit qu'elle n'effectue pas l'association négative de base. Qu'elle ne relie pas les humains à "des monstres". On ne parlera jamais assez de l'importance de la socialisation et surtout, on ne parlera jamais assez de l'importance des bons contacts pour la socialisation. Voir des humains, c'est très important. Voir des chats, des oies, des canards, des chiens, des voitures, des plaques d'égouts, ... C'est très important si vous voulez que votre chiot soit à l'aise avec tout ça. Mais plus important encore, il faut surtout qu'il n'associe pas ces choses là à du danger.
La qualité des contacts est fondamentale. Quand un chiot voit d'autres chiens, ça l'aidera à être sociable à condition que les rencontres se passent bien ! S'il effectue des associations négatives, vous aurez tout le contraire de ce que vous vouliez. Tout ça pour dire, avant de penser à "réparer", à "soigner" ... pensons à "prévenir" du danger ;)