Le bien-être animal a été mis en avant pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 et c’est une excellente chose. Cependant, la marge de progression reste immense et relativement inaccessible pour l’instant. Disons qu’il y a plusieurs marches très importantes à franchir.
Sur les réseaux sociaux, ces JO ont été l’occasion d’essayer de faire passer ces marches en parlant réellement du bien-être animal. Mais du coup, où est le problème ? Et bien, il est dans ce que l’on entend par « bien-être animal ». Sur le papier, c’est facile, il « suffit » que l’animal se sente bien. Dans les faits, l’animal -ici le cheval- ne va pas prendre sa petite voix pour dire « c’est bon pour moi » dans un français parfait ou n’importe quelle autre langue parlée par des humains d’ailleurs. Il va néanmoins le faire, mais avec son propre langage. Pour le cheval, comme pour le chien, c’est d’abord un langage gestuel. Malheureusement, ce langage n’est pas forcément facile à lire et il demande des connaissances que beaucoup d’acteurs des filières équines (comme canine) ne possèdent pas. Cette constatation est dramatique, mais la bonne nouvelle c’est que l’on peut apprendre !
Faute d’écouter le cheval, les commentateurs et sans doute les organisateurs, les cavaliers et toutes les équipes entourant les chevaux essaient de « bricoler » quelque chose.
Ce qu’ils font et qui est plutôt malin, c’est qu’ils reprennent les besoins de bases des chevaux. Ils ne vont pas tous les respecter, mais ils vont mettre en avant ce respect. Par exemple, lors d’une épreuve de cross, le commentateur souligne qu’une grande partie du parcours est à l’ombre ce qui est mieux pour les chevaux vu la chaleur. C’est effectivement très bien ! Ce qu’il serait intéressant de mettre en avant, c’est plutôt si toutes les zones d’attentes, le reste de la journée, ces chevaux sont bel et bien à l’ombre !
Quand vous vous rendez sur des événements où il y a des spectacles équestres ou même des tours de poneys, c’est un critère que vous pouvez surveiller. Quand vous passez à côté d’un élevage ou d’une écurie, vous pouvez également regarder. Avoir un coin d’ombre, ce n’est pas du luxe !
Dans une épreuve de dressage où il n’y a donc absolument pas d’ombre, la commentatrice souligne à nouveau la chaleur et rassure les téléspectateurs en expliquant qu’après le passage il y a tout le nécessaire pour refroidir le cheval. Cette notion de chaleur est donc bien comprise par plusieurs commentateurs qui vont la mettre en avant.
Avec la chaleur, la fatigue est un sujet qui revient régulièrement. Après tout, certains chevaux enchaînent les épreuves.
Et en dehors de ça ? On pourrait parler des contrôles vétérinaires qui assurent que les chevaux sont physiquement en état de concourir. La moindre trace de sang, au dressage, fait sortir le concurrent immédiatement – pour ma part cela me semble être bien la moindre des choses, mais effectivement nous pouvons admettre que cela fait partie du respect du bien-être de ne pas continuer lorsque le cheval est blessé.
Sur les séquences que j’ai vues (cela représente déjà plusieurs heures), je n’ai pas repéré d’autres mentions directes au bien-être. Ou plutôt, j’ai repéré d’autres points qui sont plus ou moins problématiques à mes yeux.
Tout d’abord, il y a une forme de banalisation de la violence, on en parle comme quelque chose de problématique, mais de relativement courant ou normal. Lors d’une épreuve de dressage, un cheval réagit mal et le commentateur, très tranquillement, explique qu’il a dû y avoir une « fâcherie » à l’entraînement et que le cheval est marqué émotionnellement. Cela semble juste normal. Un autre cavalier passe en cross et le commentateur signale qu’il y a eu des soucis avec lui pour son comportement avec son cheval. Il le dit sur un ton un peu ennuyé, mais cela ne va pas plus loin. Néanmoins, je suppose que le fait que ce soit signalé est déjà une avancée en soi.
De la même manière, les chevaux ne sont visiblement pas traités de façon similaire en fonction des épreuves dans lesquelles ils concourent. Lors d’un cross le commentateur signale que dans cette discipline les chevaux restent longtemps avec leurs cavaliers et ne sont pas forcément revendus au moindre problème. Traiter le cheval (qui est par définition un individu) comme un objet utilitaire n’est pas un petit sujet… C’est au contraire un sujet qui devrait appeler au débat. Le bien-être animal ne s’arrête pas aux portes de la compétition. Il faudrait le prendre en compte de la naissance de ce cheval jusqu’à son décès ! Voici une marche qui paraît bien haute aujourd’hui.
Dans un autre registre, pour célébrer leurs performances, beaucoup de cavaliers remercient leurs chevaux (ce qui est génial !) avec de grandes claques sur l’encolure. En 2021, la Fédération Française d’Équitation faisait ce post facebook :
« Le saviez-vous Pour féliciter votre cheval, vous pouvez opter pour une longue caresse ou pour une petite gratouille. Les très répandues tapes sur l'encolure sont peu agréables pour les équidés et leur peau sensible. »
Et en 2024, les commentateurs félicitent ces grandes claques comme de magnifiques gestes d’affections… En réalité, grattouiller le garrot semble beaucoup plus efficace si le but est réellement de féliciter son cheval ! Il s’agit peut-être d’une bonne information à faire passer aux cavaliers de haut niveau et aux commentateurs ?
Dans un registre similaire, il est dit et répété que « les chevaux se régalent ». Comme je le disais plus haut, seule une lecture de leur communication pourrait permettre de le dire et la majorité des lectures faites par des professionnels ne semblent pas montrer une grande joie (traits tirés, faces contractées, …). Certains ont même des signes de souffrance évidents.
Mon niveau d’équitation ne me permet pas de commenter la qualité de l’équipement ou de savoir si les selles sont réellement adaptées au dos du cheval (autant que faire se peut). Je note néanmoins la présence de beaucoup d’équipement sur les chevaux dont certains sont de plus en plus remis en question. Concernant l’équipement, il est intéressant de noter que les choses évoluent malgré tout ! Depuis peu, il est possible de se présenter en concours d’obstacle ou d’endurance sans mors
règlement de la FFE.
Le saviez-vous Pour féliciter votre cheval, vous pouvez opter pour une longue caresse ou pour une petite gratouille. Les très répandues tapes sur l'encolure sont peu agréables pour les équidés et leur peau sensible:
https://www.equinebehaviourist.co.uk/blog/2019/3/27/is-patting-rewarding-to-the-horse. Cela est cependant encore interdit en concours complet ou encore en dressage.
Enfin, vu que j’ai regardé les JO à la télévision, j’ai été tributaire des choix de réalisation et l’un de ces choix me semble particulièrement révélateur. Un commentateur l’a résumé avec cette petite phrase : « on ne montre que des belles choses ». Cela veut dire que le cheval qui est sorti du parcours de dressage sur blessure (que l’on appelle pudiquement « une trace de sang »), on évite de montrer sa blessure. Les chutes, on évite également de revenir dessus, de prendre le temps de les documenter ou même simplement de s’assurer que tout le monde va vraiment bien. (Ce point précis me choque personnellement !) Cela évite certes une partie du voyeurisme, une partie seulement puisque des articles fleurissent à chaque chute, mais cela évite également de parler des sujets qui fâchent comme la sécurité des obstacles et la prise de risque que l’on impose aux chevaux. Ce sont pourtant des sujets très importants dans une optique de bien-être animal.
Bon ! Au final… j’ai parlé de différentes marches à franchir les voici :
- Connaître la communication du cheval
- Connaître les bons gestes (gratouille par exemple) et les moins bons
- Accepter de regarder en face les épreuves avec ce qu’elles ont de moins bien traitant (sans ça, difficile de s’améliorer !)
- S’intéresser à ce qu’il se passe en dehors des épreuves (lors de l’évènement et avant à l’entraînement ou encore après dans la suite de la vie du cheval)
- …
Et il y a d’autres axes d’amélioration pour le bien-être animal. Par exemple, lors de ces Jeux Olympiques, nous avons vu des impacts sur de la faune sauvage (un chevreuil paniqué interrompt les épreuves d’équitation) et on peut imaginer qu’un événement tel que les JO mobilisent également des chiens-policiers (entre autres) qui devraient être concernés par ces discours sur le bien-être. On pourrait aussi reprendre une simple pyramide de Maslow pour se demander si chaque point ne pourrait pas être amélioré ou les besoins fondamentaux selon Virginia Henderson.
Il existe différentes classifications des besoins d’un individu. Ces grilles concernent l’humain, mais nous pouvons les adapter avec plus ou moins de succès aux chiens. Voici une adaptation de la pyramide de Maslow qui peut permettre d’explorer les besoins du chien :
Vous pouvez constater qu’ainsi, on voit que nous avons parlé de besoin très basique : ne pas avoir peur / mal, ne pas avoir trop chaud, ne pas être trop fatigué… Beaucoup de progrès restent à faire pour qu’un jour, on puisse se demander si les chevaux ont une vie sociale épanouissante et que ce soit l’un des derniers points d’améliorations potentiels…
Néanmoins, je pense que les Jeux Olympiques ont été une période très riche et très pertinente pour le bien-être animal. Les réseaux sociaux se sont soudainement mis à fourmiller d’explications, de photographie décryptée, d’articles d’informations… Soudainement, la lumière s’est braquée sur ce type de contenu et c’est une excellente chose.