Le leurre est souvent la première méthode conseil…
Le leurre est souvent la première méthode conseillée et la méthode la plus évidente quand on débute en éducation positive car elle est relativement intuitive. Il s’agit de prendre une friandise (par exemple) et de la bouger de façon à ce que le chien prenne la position attendue puis on donne la friandise à ce moment-là. Le chien comprend habituellement assez vite la position et l’apprentissage est très rapide. Généralement, les explications s’arrêtent là ce qui pose quelques menus problèmes.

Par exemple : que se passe-t-il quand on retire la friandise ?

Ce n’est pas une mauvaise question, si on apprend au chien à suivre la friandise, elle fait partie intégrante du code et lors de son retrait, le chien n’a plus de raisons de suivre le leurre, donc l’ordre à tendance à disparaître, tout simplement. Attention : ce n’est pas une fatalité, nous verrons que le leurre peut se travailler différemment.

Un autre problème soulevé est celui de la conscience du chien et de sa réflexion. Suivre une friandise, c’est facile, il n’y a pas besoin de beaucoup réfléchir contrairement à d’autres méthodes comme le shaping et au final, est-ce que le leurre ce n’est pas un peu pauvre de ce point de vue là ? C’est effectivement possible qu’en terme de réflexion ce ne soit pas la méthode la plus pertinente, mais c’est également le cas de la capture et ce n’est pourtant pas un reproche souvent formulé pour cette autre méthode. Du coup, on peut retenir que ce n’est pas une méthode qui permet de bien défouler mentalement son chien, mais ce n’est pas forcément un point vraiment négatif pour autant.

Le résultat c’est que de plus en plus de personnes annoncent ne pas apprécier le leurre et si je peux comprendre ce qu’il y a derrière cette réflexion et l’intérêt du shaping qui est souvent préconisé, j’apprécie également le leurre. J’apprécie cette méthode justement parce qu’elle permet aux débutants de commencer facilement et de manière très autonome, mais aussi parce qu’elle peut débloquer des choses rapidement, qu’elle s’avère efficace et qu’elle permet à chacun de comprendre de façon intuitive les conflits de motivation (si le chien n’a pas envie de suivre le leurre, ça ne marche pas) et le timing (si on ne donne pas le leurre, le chien continue de suivre et on s’éloigne de son but). Tout ceci constitue à mes yeux des points intéressants et je trouve dommage d’écarter cette méthode, par contre, il est important de bien la comprendre.

En réalité, le leurre ce n’est pas “faire suivre une friandise”. C’est effectivement le point de départ, mais ce que l’on apprend au chien, c’est en réalité à suivre la main et pas la récompense. Ce détail est très important pour pouvoir dans un second temps supprimer la récompense.

Pour en arriver là, on montre la friandise et on fait un trajet avec elle. Si le chien la suit, la friandise est donnée. Puis, on peut continuer de la même manière mais donner une autre friandise, cachée dans une autre main par exemple ou faire le trajet avec la main vide et si le chien essaie de suivre, le récompenser immédiatement avec une friandise préalablement cachée dans l’autre main. Dans tous les cas notre but va être d’apprendre au chien à suivre la main ou une cible (par exemple le bout d’une vieille cravache qui sera utilisée comme un “bâton de guidage”).

Grâce à cette étape on pourra ensuite supprimer la récompense, il faudra néanmoins le faire d’une façon correcte. Pour rappel, lorsque le chien apprend, la récompense doit être systématique afin qu’il n’ait pas de doute en cas de réussite. Une fois l’apprentissage effectué et que le chien y arrive à coup-sûr, la récompense peut devenir aléatoire. Parfois oui, parfois non, parfois un autre genre de récompense, parfois un jackpot et plein de récompenses. A cette étape, il n’y a pas de régularité et quand l’apprentissage semble vraiment très très bien acquis on peut se permettre de supprimer la récompense. Ce retrait est donc progressif et réfléchi, mais il interviendra sans toucher à notre code gestuel qui permet d’obtenir la position.

Le code est au début l’ensemble du trajet, petit à petit, ce geste va pouvoir se réduire et s’accompagner d’un autre code verbal par exemple. Ce qui pourrait nous donner à terme le geste de la main qui se lève légèrement en basculant vers l’arrière pour un “assis” avec en plus le mot “assis” si on désire intégrer la commande verbale.

A partir de là, nous avons notre apprentissage, acquis, codé d’un geste relativement minime et pouvant être effectué sans récompense et plus important, sans rien tenir en main. Le leurre a donc été efficace, intéressant pour mettre en place l’apprentissage et en général, plutôt rapide.

Par contre, le leurre va garder certaines limites. Par exemple, il monopolise le regard du chien, ce n’est peut-être pas la meilleure méthode pour apprendre à monter sur des objets en équilibre car le chien pourrait ne pas faire attention, avancer trop vite, être surpris, … ou alors il nécessitera d’être géré avec beaucoup de calme et de patience afin de laisser le chien tester réellement à son rythme, sans essayer de l’amener à se dépasser trop vite. On peut par exemple laisser la friandise collée au museau pour amener le chien à avancer très doucement. Un autre exemple, si on désire faire des apprentissages particulièrement complexes qui peuvent être appris de façon décousue, c’est peut-être plus sage de passer par des méthodes qui vont imposer au chien de réfléchir réellement. La lenteur première de ces méthodes peut décourager mais au plus le chien aura compris, au plus il pourra aller très vite.

Donc le leurre, c’est bien pour :
- débuter
- des apprentissages simples
- comprendre les bases de l’éducation positive

Mais ce n’est pas le plus intéressant en matière de :
- réflexion chez le chien
- façon d’aborder les apprentissages plus complexes

Pour répondre à la première question, alors le leurre, une mauvaise méthode ? Non. Une méthode un peu trop facile sur laquelle on pourrait être tenté de se reposer très vite alors que ce n’est pas forcément la plus intéressante au final. Néanmoins, ça reste une méthode tout à fait valable et pertinente qui peut venir faire des apprentissages spécifiques ou compléter d’autres méthodes sur des détails. Alors oui, le leurre c’est facile, mais on a aussi le droit à la facilité, ce n’est pas grave ou problématique. Le seul point important c’est que le chien soit motivé, qu’il s’amuse et qu’on atteigne notre but. Le leurre peut permettre ça.
Betty
Betty
Très bon article, où je suis tout à fait d'accord avec Céline. Le but étant effectivement que le chien ait envie de faire donc d'être motivé, qu'il y prenne du plaisir, et nous aussi, et que, bien évidemment, le but soit atteins. Il faut aussi respecter la personnalité de chaque chien. Pour certains, ils s'ennuieront presque car la méthode du leurre, sera "trop facile" pour eux, et ils auront besoin de plus de "réflexion" pour bien se défouler, quand d'autres se lasseront immédiatement d'une activité comme le shaping, car plus compliqué que le leurre, et cela deviendra à leur yeux un travail peu encourageant, plutôt qu'une activité distrayante en complicité avec son humain. Il est donc judicieux de garder le leurre à mon sens, en fonction du chien que l'on a en face de soi, et de nos propres compétences.