Les quelques mots clefs de ce titre se retrouvent dans un certain nombre de phrases et de discours parlant de ces sujets mais en les prenant un peu à la légère. Typiquement du style : "Ouais, mais mon chien, il est heureux... ce n’est pas parce que XXXXXX, qu’il ne nage pas dans le bonheur. Et puis, je l’adore." Remplacer les XXXXXX par "il ne sort jamais", "il ne mange quasiment que des céréales", "je lui mets des tapes", "je lui cris dessus", "je lui mets un collier étrangleur",... ou ce que vous voulez. Tout semble justifiable par "mon chien est heureux" ou encore "je l’aime", pourtant, je crois que rien n’est justifiable comme ça.
Les chiens peuvent être heureux "grâce à" (de super promenades, une relation géniale,...) ou "malgré" (la souffrance, l’inconfort,...). Certaines choses peuvent également être totalement neutres. Alors justifier le fait que l’on tienne tel ou tel comportement par le supposé bonheur de son chien, c’est un peu étrange. C’est un peu comme si on disait qu’une personne malade était heureuse, donc sa maladie n’est pas grave. Peut-être que son état de santé est au contraire très grave... Son moral ne signifie pas que tout va bien, que rien n’est améliorable ou qu’elle ne souffre jamais.
Autre exemple. Si je suis heureuse de ma vie, ce n’est pas parce que j’habite là où j’habite actuellement. Si quelqu’un disait que ce n’est pas parce "j’habite là" que je ne suis pas heureuse, il aurait raison : je suis heureuse. Seulement, est-ce qu’habiter là est une bonne chose pour moi ? Bof. Je serais encore plus heureuse dans une jolie maison perdue dans la montagne...
Donc oui, un individu peut être mal et heureux. Un chien peut être secoué dans tous les sens, souffrir et être heureux le reste du temps... Mais pas parce qu’il adore ces moments-là. Alors comment justifier ces actes par le bonheur ? Si le chien resplendit toujours de joie de vivre : tant mieux, mais ça ne prouve rien. Ça ne prouve d’autant plus rien que le chien n’arrive pas pour dire "Ça va moi, je suis parfaitement heureux d’être mal nourri / étranglé /...". Non, ceux qui disent "mon chien est heureux", le disent après avoir observé leur chien avec leurs yeux à eux, leurs filtres de perception, etc. Et puis, au fond, ça ressemble à quoi un chien heureux ? Un chien totalement "éteint", qui ne communique plus, qui attend que ça passe sans pour autant être apathique peut très bien passer pour un adulte "bien dans ces pattes et zen". J’ai eu des chiens en garde qui paraissait "bien" au premier regard... et qui à force laissaient une impression de malaise. Ce n’est pas quelque chose qui se décrit facilement, c’est une absence de spontanéité, une absence de désir,... Un chien qui attend que la vie passe, sans bouger à moins que l’on lui ordonne. Bien-sûr, on a tous en tête les images de chiens derrière les barreaux, faisant les petits yeux en refuge, mais ce n’est pas la seule description possible d’un chien qui n'est pas heureux.
Et puis, en plus du bonheur, il y a l’amour... Je pense que toutes les personnes qui cherchent à se renseigner sur les chiens, qui cherchent comment faire,... aiment les chiens ou aiment quelque chose autour des chiens. Je ne peux pas m’empêcher de penser, un peu ironiquement, que beaucoup aiment le contrôle et le pouvoir et ça, ils peuvent le trouver en s’en prenant à un chien... Mais nous allons partir du principe que l’on aime tous nos chiens pour ce qu’ils sont. Nos actes ne sont pas meilleurs ou pires, parce que l’on aime nos animaux. Si une personne bat son chien, elle l’aime peut-être, réellement, il n’empêche qu’elle bat son chien. Son chien est peut-être heureux et aimé tout le reste du temps, il n’en est pas moins battu.
L’amour du chien ne devrait pas être utilisé comme justification... On arrive donc au dernier des points : la violence. La violence peut sembler facile à voir, seulement, c’est beaucoup plus compliqué que ça. Quand une personne rappelle son chien en criant, alors qu’il s’approche de ma chienne, Haï Olly. Il y a de la violence envers son chien, mais également envers Haï Olly. Le simple fait de lever la voix en s’approchant est traumatisant pour un chien déjà inquiet... C’est peut-être même plus violent pour elle que pour le chien qui se fait crier dessus. Il y a une question de sensibilité. Mais au fond, plus ou moins violent, ça reste violent.
On m’a dit une fois que "violent", c’était un mot trop fort pour désigner ce type de comportement. On refuse tellement de les voir pour ce qu’ils sont, qu’on refuse même de les désigner de cette manière… Pourtant, je parle de comportements qui ont tendance à provoquer fuite ou auto-défense. Ce ne sont pas des moments agréables qui sont justifiés par l’amour ou le bonheur du chien... Rappelez-vous :
"Ouais, mais mon chien, il est heureux... ce n’est pas parce que XXXXXX, qu’il ne nage pas dans le bonheur. Et puis, je l’adore."
Ce genre de phrase arrive pour couvrir une violence que rien ne justifie en réalité. Ni le bonheur du chien, ni l’amour, ni l’efficacité,... Si vous ne trouvez pas d’autres solutions, il faut se faire aider, car la violence n’est pas un outil. Mais encore faut-il être capable de voir cette violence et c’est là que ça se corse...
Si après l’un de vos actes votre chien s’éloigne, baille, détourne la tête, se lèche les babines, grogne, se fige... Il est intéressant de se demander "pourquoi ce comportement ?". Prendre du recul sur soi-même et ne pas rester coincer dans l’impression de ne pas avoir le choix ou même de faire au mieux pour limiter les dégâts... C’est important de prendre ces moments de réflexion et de garder la bientraitance au cœur de sa relation.
Alors par pitié, si quelqu’un vous explique que votre manière d’éduquer n’est pas optimale, que certains de vos actes sont violents... ne répondez pas que vous aimez votre chien et qu’il est heureux. Il l’est peut-être, vous l’aimez sans doute, mais ça ne change rien à votre manière d’éduquer. Cela implique juste que votre chien "l’encaisse" pas trop mal et ça, ça ne rentre pas dans ce que l’on peut souhaiter pour son chien que l’on aime réellement.