J’aurais pu appeler cet article "choisir ses adversaires" ou encore "l’art de la guerre", mais nous allons rester terre à terre pour voir la gestion des difficultés en éducation canine.
Nous pourrions déjà classer les difficultés suivant de grands ensembles. Par exemple, il y a tout ce qui concerne les difficultés propres à l’humain comme rester cohérent, avoir un bon timing, établir une liste de codes clairs, savoir définir ses priorités, savoir définir la durée et la distance, … Ensuite il y a toutes les difficultés provenant du chien, car si l’humain n’est pas parfait, il n’est pas le seul. Ici il y aura la vitesse de mémorisation, la généralisation ou l’absence de généralisation, l’imagination, la débrouillardise, la concentration, mais aussi et surtout, la motivation … Donc nous avons tout un tas de difficulté qui provienne du duo humain-chien, mais ce ne sont pas les seules difficultés que nous aurons à affronter, il faudra aussi compter sur l’environnement, le cadre. La richesse de l’environnement peut être source de distraction, il peut aussi être une source d’angoisse, rempli de bizarreries qui mettront l’individu chien dans un état où l’apprentissage sera difficile voir impossible.
Commençons par le principal concerné : le chien. Une fois que vous l'avez adopté, le chien est là. Nous allons donc considérer que le chien est immuable, ce sera celui-ci et pas un autre. Il a donc sa capacité de concentration propre auquel nous ne pouvons rien, il a sa capacité à généraliser, sa vitesse, sa débrouillardise, … Bref, tout un tas de chose qui sur lesquelles nous avons peu d’emprise. Et pourtant, la difficulté d’éduquer ce chien, précisément, va varier dans le temps. Elle peut s’empirer ou grandement s’améliorer.
Pourquoi ?
Et bien, cet individu va être plus ou moins motivé. Sa motivation dépend beaucoup de nous et de ce qu’on lui propose. Faisons cette constatation toute simple : un élève avec peu de moyen mais très motivé va être plus concentré, plus attentif, plus désireux de comprendre qu’un petit génie en proie au désintérêt le plus total. Donc notre chien n’est peut-être pas le plus rapide des chiens que nous pourrions éduquer, il ne va peut-être jamais sauter d’étapes, il faudra peut-être avancer laborieusement un pas après l’autre, mais il peut avancer et même avancer assez vite avec une bonne motivation. Et avec une bonne motivation, on pourrait peut-être se rendre compte que ce qui avait l’air d’être un petit génie et en vérité un individu tout à fait exceptionnel avec des capacités de fous, mais nous ne verrons réellement tout ça que si les individus sont motivés.
Malgré tout, la motivation n’est pas un truc qui va venir atténuer les difficultés avec le temps. Elle peut par contre augmenter la difficulté, le chien peut apprendre que l’éducation c’est vraiment de sales moments et donc, être de moins en moins motivé et de plus en plus réfractaire. Par contre, côté éducation positive, il va se passer un autre phénomène. Le chien va apprendre à apprendre.
Imaginer vous deux secondes devant un plateau de jeu inconnu. Première partie, on vous explique ce que signifie les billets, les pions, les petites maisons et comment bouger en lançant les dés. C’est laborieux, vous comprenez à peine les mécanismes du jeu. Bref, ce n’est pas la meilleure partie possible. Seconde partie, ça devient un peu plus clair, vous commencez à tester vraiment des trucs et à élaborer des stratégies. Maintenant projetons nous dans le futur pour votre millième partie. Vous avez plusieurs stratégies en tête, vous pouvez deviner la stratégie de vos adversaires, vous savez rebondir, vous pouvez anticiper des trucs et changer de plan en plein milieux si nécessaire. Vous n’êtes pas plus intelligent que lors de votre première partie, votre adversaire est peut-être toujours le même, par contre, vous avez appris à jouer.
Les chiens éduqués en éducation positive se retrouvent exactement dans cette situation. L’humain propose un jeu et les départs sont plus ou moins laborieux, mais au fil des parties, le chien va gagner en compréhension, en rapidité, etc.
Avec la motivation c’est peut-être tout ce que nous pouvons réellement manipuler. Nous pouvons chercher à motiver et faire des apprentissages préalables, chercher les passerelles et offrir à nos chiens des compétences pour mieux comprendre ce qui est en train de se passer.
Et l’humain alors ? Alors l’humain, pareil, nous n’allons pas pouvoir en changer puisque cet humain, c’est toi qui est en train de lire cet article. Tu as une intelligence propre, une motivation, une compréhension de l’éducation, une stabilité dans tes attentes et des émotions, … Il y a des choses que tu ne pourras pas changer, malgré toute la meilleure volonté du monde, car oui, ta motivation change beaucoup de choses. Mais tout motivé sois-tu, tu ne pourras pas devenir plus intelligent, alors voyons voir ce que nous pouvons tous travailler.
Nous pouvons augmenter nos capacités d’observations et donc, nos possibilités à anticiper. Il suffit d’observer, encore et encore, jusqu’à voir des détails qui passaient inaperçus jusque-là. Cette capacité d’observation va nous permettre d’avoir un meilleur timing …
Mais un meilleur timing pourquoi faire ? Nous ne pouvons en effet pas nous améliorer si on ne connait pas l’éducation, sa théorie et ce qui va nous poser des difficultés. Par exemple, comment je pourrais faire pour choisir des codes vocaux très différents pour mes demandes si je ne suis pas au courant que des mots ou des gestes trop similaires peuvent entraîner de la confusion ? Personnellement, pour m’en rendre compte, il m’a fallu un échec. J’ai appris « pose ta patte sur mon pied » et « saute par-dessus mon pied » avec deux gestes trop similaires, mon talon au sol ou à quelques centimètres du sol, ce n’était pas assez différents aux yeux de Fenris. Pour éviter de découvrir par soi-même toutes les bêtises du monde, il est intéressant de se renseigner, de se former et d’apprendre.
Le chien peut avec de l’apprentissage mieux comprendre le jeu et devenir un meilleur joueur. L’humain peut avec de l’apprentissage mieux comprendre le jeu et devenir un meilleur animateur par exemple.
Maintenant que nous avons vu ces deux facettes de la difficulté que nous allons pouvoir travailler en amont, voyons un peu le choix du terrain et pour ça, je vais me permettre une immense analogie. Elle est vraiment énorme puisque son sommet culmine là-haut dans le ciel. Nous allons parler d’une montagne.
Le sommet de cette montagne, ce sera notre objectif ultime, pour que l’analogie soit plus évidente, précisons exactement de quelle montagne il s’agit. Cette montagne sera le mont « rappel ». Tout en haut, il y a une magnifique vue et voici ceux à quoi elle correspond : un rappel parfait, immédiat, sans délai, face à tout type d’environnement, avec un retour au contact de l’humain et pourquoi pas, l’attente d’une libération tel que : c’est ok, avant de repartir. Un rappel qui peut s’effectuer en pleine partie de jeu ou devant un cheval lancé au galop, peu importe.
Ce sommet, disons que pour cet article, ce sera votre objectif et vous, toujours pour cet article, vous n’en êtes vraiment pas là. Disons que vous êtes tout en bas et que vous pouvez juste observer cette montagne. Alors avant d’essayer de grimper, qu’observe-t-on ?
Il y a plusieurs chemins, ce sont nos différentes méthodes éducatives. Certains chemins sont dissimulés sous des arbres énormes, ce sont les méthodes que nous n’avons pas encore découvertes. Certains chemins sont des impasses, ils montent jusqu’à un certain point et s’arrêtent avant l’arrivée, ils permettent néanmoins de grimper jusqu’à une certaine hauteur, la vue doit être jolie, mais ce n’est pas le sommet.
Certains chemins sont couramment empruntés et ils sont balisés. D’autres permettent d’atteindre le sommet, mais il faut passer par une falaise. Grimpeur non confirmé, s’abstenir. Bref, nous sommes au sol et on peut déjà voir que le choix du chemin va changer énormément de choses. Par exemple, sur le plat, à peine engagé dans la montée, il y a comme un labyrinthe. Il débouche sur une série de voie qui permette de grimper jusqu’en haut. Ça semble optionnel en soit, mais les gens qui l’empruntent ont l’air d’avancer un peu plus vite ensuite.
Le nom de ce labyrinthe ? « Suivi naturel », c’est un petit jeu qui ressemble presque à une course poursuite au ralenti, mais à l’arrivée, le chien n’a pas encore de rappel puisqu’on n’a pas vraiment attaqué la côte, par contre, il suit l’humain et si celui-ci fait demi-tour et part, il le suit.
Depuis le sol, nous avons une première mission très importante, capitale pour la suite, surtout si on ne veut pas engager un guide de haute-montagne, se préparer correctement pour l’ascension et choisir un itinéraire fiable.
C’est un quoi un itinéraire fiable ? C’est un chemin qui vous mènera bien là où vous voulez et que vous serez capable d’emprunter. Par exemple, le chemin passant par la falaise, il est peut-être fiable, mais il peut être trop dangereux. Ah oui, précisons un détail, cette route, vous n’allez pas la faire seule. Vous êtes peut-être un as de l’escalade, mais avant de choisir cette voie, il faut s’assurer des capacités de votre binôme : le chien. Arriver en haut sans son binôme, c’est game over. Autrement dit : il ne faut pas perdre son chien en travaillant le rappel.
Ce n’est pas la partie la plus rigolote. On tâtonne, on regarde des cartes, pour peu qu’on ne sache pas les lire, c’est une horreur et en plus de ça, y’a un souci de popularité. Vous pouvez voir d’autres personnes grimper sur cette montagne, vous pouvez voir leurs débuts et souvent ils prennent la même route. Par contre, c’est assez dur de voir jusqu’où ils vont et pourquoi est-ce qu’ils abandonnent en cours de chemin. Un certain nombre décide que la vue est vraiment superbe et que ça ne sert à rien de grimper plus haut. D’autres vont découvrir que la voie qui semblait facile et bien elle coince à un moment ou un autre. Et les voies les mieux aménagées ne permettent pas forcément d’accéder au sommet.
Prenons un exemple, vous choisissez la voie « collier électrique », le début semble assez rapide, ça ne grimpe pas trop et le chemin est large mais à un moment donné, votre binôme commence à ne plus avoir envie de jouer au rappel. Il ne s’éloigne plus … Ou il s’éloigne, revient mais reste à distance. Ou encore, il se met à engueuler tous les autres grimpeurs qu’il voit au loin parce que cette ascension est une tannée, une horreur à ses yeux. Chaque pas pourtant facile pour l’humain coûte réellement à la patience, la motivation, l’envie du chien. Et là, vous pouvez vous retrouver coincé n’importe où pour n’importe quel problème qui ne semble pas lié à la montagne en elle-même mais bien à votre binôme et son envie de vous suivre sur n’importe quel apprentissage et donc n’importe quelle montagne.
La première difficulté, c’est donc de choisir son chemin. Il faut qu’il soit praticable par le binôme complet et il faut que la vue plaise aux deux, histoire de conserver de la motivation au plus dur de la grimpette.
Prenons un exemple de chemin, vous pouvez décider de faire un grand saut et d’attaquer directement face à une pente raide. C’est faisable et peut-être qu’avec de la motivation et une certaine habitude, ce sera même assez facile. Par contre, si c’est votre première randonnée, il vaut mieux s’échauffer. Ça signifie quoi ? Et bien au lieu de commencer votre rappel dans un parc bondé, ce qui représente notre sacrée pente, on va commencer dans le salon, au calme, ce qui représente un plat bien modéré. Mais si votre binôme ne parvient pas à faire trois pas sur le plat, le mettre devant la pente raide, c’est l’échec assuré.
Il y a une bonne nouvelle au milieu de tout ça. On commence tous sur le plat et il y a un chemin praticable et chouette pour la grande majorité des montagnes. Bon certaines montagnes seront en réalité des volcans en éruptions (et ceux pour tout le monde), trouver une manière sympathique de grimper au sommet, ça n’existe pas. Par exemple, je ne peux pas choisir d’apprendre à mon chien à se coller à un truc très angoissant sans le brusquer méchamment. Par contre, je peux décider de grimper la montagne d’à côté afin de rendre ce truc angoissant, très cool en réalité et là plus de soucis pour se coller dessus.
Voilà tout l’enjeu que vous aurez à faire à chaque fois que vous déciderez d’éduquer votre chien. Choisir vos montagnes avec soin en fonction de leurs sommets, définir le chemin le plus sûr pour votre binôme pour arriver en haut et préparer correctement les choses sur le plat, même si ça veut dire, prendre le temps de faire un petit labyrinthe et choisir de passer par une chaîne de montagne afin d’enchaîner les sommets sans repartir d’en bas. Tout ça, c’est le jeu préalable pour l’humain. C’est un jeu passionnant qui compte de plus en plus de gamers et qui peut se faire en équipe. Vous avez aussi le droit de trouver un bon guide pour qu’il vous prémâche le boulot au maximum. Attention par contre, un guide n’est qu’un guide. Il ne pourra pas vous porter sur ses épaules jusqu’en haut, tout juste vous dire ou poser les pieds et vous tendre la main si vous restez coincer.
Alors amusez-vous bien et je vous souhaite de jolies montées.