Il y a des questions qui se gravent dans nos esprits. Ce fut le cas de cette question, qui me laissa profondément perplexe, lorsqu’un potentiel adoptant venu chez moi me demanda si je ne devrais pas faire euthanasier celle qui deviendrait quelques temps plus tard, ma chienne. Haï Olly.
Cette chienne … elle ne se traîne pas au sol sous la douleur. Elle ne vit pas une lente agonie dont seule la mort pourrait la délivrer, une mort un peu plus rapide et moins accablante que sa vie. Elle n’est pas couverte de plaie ou clairement handicapée. Elle n’a aucun traitement et elle n’a aucun problème de santé.
Vous n’avez jamais pensé à la faire euthanasier ? Non.
J’ai fait euthanasier des tas d’animaux et je n’ai pas le moindre regret pour chacun d’eux, qui était en train de partir dans de bien mauvaises conditions. Des jours de souffrances que rien ne pouvait soulager. Je ne me suis jamais cachée, les abandonnant aux gants d’un vétérinaire, j’ai laissé mes mains dans leurs pelages, jusqu’à la fin et même après … J’ai pleuré sur leurs corps alors qu’ils cessaient de respirer sur la table froide d’un cabinet vétérinaire. J’ai pleuré leurs morts, sans jamais avoir de problèmes de conscience car si une aiguille est rentrée dans leurs peaux pour arracher leurs vies, c’était uniquement pour les épargner …
L’euthanasie est beaucoup de chose … mais ce n’est pas une solution pour se débarrasser d’un problème. Si ma chienne lui a paru être un problème, et elle l’est régulièrement, imaginer la coucher sur le flanc dans un quelconque cabinet sordide ayant accepté de tuer pour rien … cela me dépasse totalement. Oui, elle aboie. Oui, elle a peur des êtres humains. Oui, elle court autour des personnes en hurlant. Oui, quand aucun inconnu n’est là, elle est joyeuse, joueuse, sportive, rigolote, elle adore se rouler dans tous les sens et faire des sprints où l’on croirait qu’elle s’envole. Elle adore jouer avec d’autres chiens et faire des câlins.
Et elle mériterait la mort pour avoir peur de l’être humain ? Mais un être humain qui propose de telles choses, j’en ai peur moi-aussi. J’ai peur de tous ces cabinets qui sont sensés sauver les animaux et qui les tuent. J’ai peur de tous ces professionnels sans aucunes consciences. J’ai peur de ces personnes, qui ne parviennent plus à voir d’autres solutions que des solutions radicales. J’ai peur de cette vision de l’animal objet que l’on peut détruire s’il ne correspond pas à la norme. Je suis complètement flippée de cette idée qui me parait tellement étrange, inadaptée, folle.
Vous n’aimez pas le nom de la ville d’à côté ? Vous avez déjà envisagé l’emploi d’une bombe atomique ? Vous n’aimez pas un comportement ? Pourquoi ne pas tuer l’animal ?
Les peurs de ma chienne ne sont pas ce qui la définisse, même si parfois, elles sont envahissantes. Elle est un individu. Un individu curieux, qui profite de la vie et qui se bat contre ce qui l’effraie. Si elle aboie, ce n’est pas pour hurler sa peur mais bien sa volonté de gérer son environnement. Elle veut que chaque personne qui vient troubler sa tranquillité dégage, disparaisse un peu plus loin et cesse de l’importuner. Alors certes, c’est peu agréable, mais n’allez pas croire qu’elle passe sa vie à se planquer pour fuir le moindre bruit, ce n’est pas dans son caractère, car c’est une chienne particulièrement forte et courageuse. Dans une foule, elle fonce de l’avant, elle cherche une solution. Elle n’est pas de ceux qui se font dessus, incapables de bouger.
Alors un peu de courage ! Si elle peut le faire après tout ce qu’elle a vécu, ne vous cachez pas ! Si vous faites face à un chien qui vous dépasse totalement, faites-vous aider. Les comportementalistes canin sont là pour ça ! Si vous ne vous en sentez pas capable, confiez-le à une bonne âme, qui aura la carrure pour le faire ! Mais la mort ne devrait pas être la solution à un problème de comportement.
Et le prochain qui me demande de penser à l’euthanasie de ma chienne … J’aurai mal au ventre pour lui. J’aurai mal au cœur pour lui. Et je pleurerai peut-être même pour lui et pour ce monde horriblement triste dans lequel il vit. Puis j’irai me réconforter en sautant dans tous les sens avec cette chienne qui le dérange tant. On fera la course et elle gagnera, mais elle fera demi-tour pour venir me chercher, comme toujours. Je rirais alors qu’elle m’enverra sa patte contre l’épaule, pour avoir un câlin digne de ce nom et elle penchera la tête pour se frotter d’elle-même contre moi et nous serons heureuses toutes les deux, comme nous le sommes chaque jour … malgré tout.