Vous avez peut-être déjà entendu dire qu’un chien n’a qu’un seul maître ou des variantes comme ce type de chiens (nordique, molosse, primitif, terrier, …) n’a qu’un seul maître. C’est faux pour deux raisons. La première c’est que si la notion de « maître » était valide, le chien peut tout de même être ré-adopté dans sa vie et ça fonctionnera. L’adoption d’un adulte suppose que le lien peut se former entre ce chien qui a vécu pas mal de choses et ce nouvel humain. Ils ne se connaissent pas encore mais ils vont apprendre, ils vont se découvrir et un lien va se créer.
Oui, toutes les adoptions de chiens adultes ne sont pas idéales. Ça ne se passe pas toujours bien du premier coup, mais ces chiens forment néanmoins des liens. Donc nous pouvons déjà affirmer que cette notion de n’avoir qu’un seul maître ne se confirme pas dans les faits puisqu’un chien peut au cours de sa vie être adopté dans différentes familles.
Pire, les chiens les plus compliqués en refuge se font néanmoins des cercles de connaissances. Ils ne sont pas facilement adoptés, alors ils restent longtemps et on voit qu’ils acceptent plus ou moins de bénévoles ou d’employés. Finalement chacun de ces chiens avec des passifs parfois très lourds s’entourent de plusieurs personnes tout en en refusant d’autres !
La seconde raison est moins évidente, mais la notion de « maître » n’a pas de sens. L’idée derrière ce mot c’est de désigner celui qui a la maîtrise du chien. Seulement voilà : le maître du chien… c’est le chien. Personne d’autre ne peut prétendre à sa réelle maîtrise. De la même manière, toi qui me lis, qui te maîtrise réellement ? On peut faire le choix de laisser un autre décider, on peut suivre ses conseils, on peut même se retrouver coincer dans des situations impossibles où l’on n’a pas envie de faire le moindre choix mais au bout du compte : on choisit. A la fin, nous sommes les seuls à décider et c’est pour ça que dans une même situation, tout le monde ne proposera pas la même réponse.
Il en va de même pour le chien qui analyse, apprend, prend des automatismes et des habitudes, qui parfois se laisse dépasser par ses émotions mais qui est le seul à pouvoir faire preuve de maîtrise. Tout ce qu’on essaie de lui apporter, tout ce qu’on essaie de décider pour lui est finalement plutôt surfait. Certains chiens refuseront tout simplement ou accepteront en fonction des circonstances. Et c’est là que je pourrais dériver tranquillement et enchaîner avec la fameuse notion des chiens têtus, ces vilains chiens qui osent décider pour eux-mêmes et qui vont à l’encontre des choix de l’humain. Seulement tous les chiens ont cette aptitude à partir du moment où ils ont un cerveau fonctionnel.
Tout ça nous ramène à la question du lien. Si nous ne sommes pas les maîtres absolus d’autres individus tout chiens soient-ils, mais nous avons néanmoins des liens avec eux. Alors les chiens (et les humains) peuvent-ils avoir des relations, des liens, des amitiés, … avec plusieurs individus ? La réponse évidente est oui, mais ce n’est pas toujours simple. Certains individus se montreront très sauvages et auront du mal à créer de véritables liens avec leur entourage. Cela demandera du temps, de la patience, des affinités et une véritable motivation de la part des deux parties… Certains liens ne se construiront tout simplement pas.
Mais normalement votre chien a construit des liens de différentes qualités avec plusieurs individus. Si vous vivez à plusieurs dans la maison, il a sans doute un lien avec chacune des personnes et en fonction des activités, il préfèrera se tourner vers l’un ou vers l’autre. Si votre chien sort et voit des congénères ou s’il vit avec, il construit des liens avec eux. Idem pour les autres espèces. Les chiens ont un cœur bien assez grand pour accueillir toutes ses relations.
Mais à ce moment-là de l’article, vous pourriez avoir des exemples en tête de chien qui n’obéisse qu’à une seule et unique personne. Obéisse. Cette notion d’obéissance est déjà bien loin de notre notion de lien, mais elle rejoint l’idée de la maîtrise. Le maître se fait obéir et son chien n’accepte de n’obéir qu’à lui.
Qu’est-ce qui amène à cette situation ? Derrière ça, il y a plein de pistes super intéressantes comme « pourquoi le chien fait-il ce que l’on demande ? », il le fait parce que ça lui rapporte quelque chose. Quoi ? Le plus souvent l’absence de souffrance ou le gain d’un truc chouette. Le chien a appris. C’est un comportement qui s’est développé. Si je vais dans la rue et que je demande « assis » un truc qui est souvent appris aux chiens, au hasard des rencontres, tous n’obéiront pas. Si je montre une friandise, que je montre le gain potentiel, j’ai déjà plus de chance d’obtenir des réponses favorables à ma demande. Mais si le chien a appris qu’il était dangereux d’accepter des récompenses, qu’il a appris à ignorer les autres humains, qu’il a appris à faire uniquement avec son humain … oui, ce sera beaucoup plus dur mais ici on touche moins à la nature du chien qui n’accepterait qu’un seul maître qu’à la nature de son binôme humain qui se comporte peut-être comme une personne jalouse à l’excès ne supportant pas que son chien daigne s’occuper de quelqu’un d’autre.
Mais ce n’est pas la seule piste, nous pourrions parler de la motivation, parfois il faut du temps pour construire le lien et pour trouver comment motiver le chien, alors les autres n’y arriveront pas. Mais ce n’est pas que ce chien n’a qu’un seul maître, c’est plutôt qu’un seul humain a fait les efforts nécessaires. On se retrouve dans une situation assez similaire avec des chiens méfiants ou peureux ou terrorisés de l’humain. Ils peuvent nouer des liens avec plusieurs personnes, mais ce n’est pas une évidence et ça ne se fera pas en un claquement de doigts. Vous pourrez aussi voir que dans certains cas d’hyperattachement faire des liens avec d’autres devient particulièrement dur. Le lien est ici toxique pour l’humain et le chien. On va travailler à rendre ce chien plus autonome et cela passe par sa capacité à se lier aux autres.
Derrière tout ça, on pourrait construire un parallèle intéressant, je pense. En tant qu’humain on cède à certaines demandes et on en refuse d’autres. Les personnes avec qui nous avons construit des liens solides peuvent nous demander des choses que l’on refuserait habituellement. Par exemple, mes amis et certains membres de ma famille, peuvent me demander de prendre la voiture, de traverser la France et de venir les aider en urgence. Ce n’est pas une petite demande et pourtant, je vais sans doute y répondre favorablement, parce que je suis comme ça et parce que nos liens le justifient. Et pourtant ces relations ne sont pas toutes identiques. Au contraire, chaque relation est unique. Et en fonction des relations, les gens pourront me demander plus ou moins de choses et surtout des choses plus ou moins couteuses pour moi. L’important c’est d’avoir en tête que développer un lien n’interdit pas d’en développer un autre.
C’est pareil pour les chiens. Ils ont différentes relations, derrière ces relations, il se cache plein de choses mais si vous vivez avec un chien, vous pouvez sans doute développer votre lien pour pouvoir rentrer dans son cercle, recevoir ses demandes, lui faire des demandes à votre tour (ou pas, ça n’a rien d’obligatoire) et finalement … devenir amis ?