Je me suis trouvée plusieurs fois à voir des réac…
Je me suis trouvée plusieurs fois à voir des réactions épidermiques face à des articles scientifiques, à des études, à des choses assez poussées sous prétexte qu’ « on a toujours fait comme ça », « on a toujours vu ça » ou encore « l’expérience me dit que … ». On peut aussi retrouver cette idée sous cette forme-là : entre ce qu’il y a dans les livres et ce qu’il y a dans la vraie vie, il y a une différence ! Et tant pis si ces « livres » sont des études poussées et pertinentes.

L’expérience est quelque chose de riche, qui nous permet d’apprendre, de nous dépasser, de nous remettre en question. C’est quelque chose de formidable qui a malheureusement un mauvais côté ou deux. Elle peut nous mettre en échec. L’expérience donne confiance en soi … ce qui est une très bonne chose dans une certaine limite, mais si ça nous empêche d’évoluer, ça peut être ennuyant. L’expérience donne l’impression de maîtriser le sujet de mieux en mieux, alors que nous sommes loin d’être des observateurs impartiaux comprenant chaque détail de ce qu’il se passe.

Prenons un exemple : si je tourne le robinet, l’eau coule. L’expérience me fait dire que c’est quelque chose qui fonctionne. Pour autant, je ne sais pas pourquoi l’eau coule, je ne sais pas installer un nouveau robinet et je ne sais pas comment faire si l’eau ne coule plus. Si jamais l’eau ne coule plus, mon premier et unique réflexe est de tourner le robinet, de refermer, rouvrir, vérifier s’il y a de l’eau ailleurs, recommencer et fin. Je vais rester coincée. J’ai conscience de mon niveau d’incompétence en matière de plomberie mais également de physique qui me permettrait (je suppose !) de comprendre plus efficacement ce qu’il se passe concrètement lorsque je tourne un robinet.

Parfois, dans le monde canin, on se retrouve avec des gens qui ont appris une manière de réagir. Disons qu’ils savent ouvrir et fermer le robinet ce qui provoque et arrête le comportement dans cette petite analogie. Si jamais on leur explique que « l’eau ne coule pas », ils vont vous répondre qu’il faut ouvrir le robinet. C’est tellement simple et logique ! Ça marche à chaque fois. Enfin, ça marche à chaque fois, jusqu’à ce que ça ne marche plus et alors, est-ce que ce ne serait pas l’humain qui a mal fait la manipulation ? Admettre que l’on ne sait pas, admettre que l’on ne sait pas pourquoi ça fonctionne, ça semble parfois difficile à certain alors qu’il n’y a pas de mal à ça en soi.

Du coup, l’expérience, c’est génial, mais ça a des failles, des failles importantes. A présent parlons de science, j’ai l’impression qu’il y a un énorme malentendu. La science est une discipline vivante, c’est-à-dire que c’est une discipline qui ne fige pas les choses dans le marbre mais permet au contraire de revenir dessus. Tout est réfutable. Attention, ça ne veut pas dire que tout est faux, simplement, si on apporte les preuves suffisantes, on peut tout remettre en cause.

Bien des choses ont été ainsi discutées avant d’évoluer. La vision que l’on a du chien a pu se modifier, au fil des découvertes, passant d’un animal mû par des réflexes à un être doué d’émotions. Entre ces deux représentations, il y a eu un chemin, plus ou moins long. Nos connaissances sur l’Histoire et notamment sur l’apparition du chien s’affinent également. Chaque année ou presque, nous faisons de nouvelles découvertes qui viennent compléter les précédentes. Dans d’autres domaines, bien loin des animaux, on voit tout autant d’évolutions, par exemple ce que l’on sait en matière d’astronomie devient de plus en plus précis. Le Soleil ne tourne pas autour de la Terre. Ce n’était pas forcément une évidence.
L’important, c’est d’apporter des preuves pour étayer ce que l’on avance. Ça veut dire que le jour où l’eau ne coule pas avec le robinet ouvert, on le prend réellement en compte et si ça intéresse quelqu’un il va pouvoir l’étudier. On va vraiment prendre la peine d’y réfléchir.

  • Quel genre de robinet est-ce ?
  • Est-ce qu’il fonctionnait avant ?
  • Qu’est-ce qui a changé ?
  • Y’a-t-il de l’eau ailleurs sur le site ?

Ensuite, on va tester. Et si, régulièrement, les robinets en *matériauxdetonchoix* arrêtaient de fonctionner ? On vérifie, on fait des statistiques, on fait attention aux détails. Et si c’était l’âge du robinet qu’il fallait prendre en compte ?

Pour faire tout ça, on ne fait pas que s’asseoir derrière un bureau, on met réellement des expériences en place. On pourrait dire qu’à la fin, l’équipe qui s’occupe de ça devient une petite équipe d’experts sur ce tout petit point. Ils ont accumulé des heures et des heures d’expérience mais surtout, ils ont utilisé des outils qui leur permettent normalement de prendre du recul sur ce qu’ils ont étudié. C’est un peu comme si à chaque fois que vous utilisiez le robinet, vous vous filmiez, vous faisiez exactement le même genre de geste, etc, etc. Et malgré tout ça, ça reste réfutable. En gros, on peut avoir mal compris.

Les scientifiques ont tout un tas d’outils méthodologiques pour éviter les mauvaises interprétations (qui restent malheureusement possible). Pour mieux comprendre, détaillons-en une. Parfois, il y a des coïncidences, des choses qui semblent liées alors qu’elles ne le sont pas. Une formule existe pour s’en rappeler « corrélation n’est pas causalité ». C’est-à-dire que deux choses qui semblent arriver en même temps ne sont pas forcément liées.

Vous pourriez remarquer que le robinet ne laisse pas couler d’eau quand vous êtes habillés en rouge. D’un point de vue statistique, ça pourrait même coller parfaitement et pourtant il n’y a aucun lien. Rien ne permettrait d’expliquer en quoi l’un cause l’autre. Sans les bons outils, la personne lambda risque de faire cette observation et de se dire : « l’expérience dit qu’être habillé en rouge est une mauvaise idée quand on veut faire couler l’eau, donc je ne m’habillerai plus en rouge ». C’est parfaitement logique et pourtant, ça reste faux. On vient d’observer la naissance d’une superstition. Du côté scientifique, on va également noter le lien supposé, mais on va reproduire l’expérience, encore et encore, en cherchant à établir le lien réel. On va chercher à comprendre comment ça marche. A force, les études vont s’accumuler, se recroiser et on va se rendre compte que notre première observation était simplement dû au hasard. Un drôle de hasard, mais rien de plus. C’est l’accumulation de preuves qui permettra de trancher et de définir si on peut porter du rouge et obtenir de l’eau … ou pas.

Mais du coup, quand on oppose la science à l’expérience, on oublie que la science c’est beaucoup d’expériences avec les outils nécessaires pour l’observer correctement. Alors non, la science n’a pas toujours raison. Les connaissances d’hier sont différentes et parfois contradictoires des connaissances d’aujourd’hui. Par contre, on pourrait dire que la science c’est une quête de la vérité, d’une retranscription juste de la réalité et en ça, c’est ce qui tend le plus vers une bonne compréhension de notre monde. La science c’est de l’expérience éclairée.

Pour en revenir au chien, ces dernières années, nous apprenons énormément de choses. Les observations, sur le terrain, s’enchaînent autour des chiens féraux nous apprenant un peu mieux comment vivent les chiens lorsqu’ils ont un peu plus de liberté. Ces observations gagnent en précision au fur et à mesure que nous apprenons à observer en modifiant un peu moins les situations. Cela évite de créer des comportements qui ne seraient jamais apparus sans nous. De l’autre côté, on retrouve des expériences de laboratoire où l’on étudie le cerveau du chien. Mais comment faire exactement ? Et bien, il a été tenté d’entraîner quelques chiens à rester coucher dans un IRM afin d’observer leurs cerveaux pendant l’expérience.

Pour être validées réellement par la communauté scientifique, les expériences doivent être vérifiées et approuvées dans leurs méthodologies par d’autres scientifiques. Les expériences pourront être réitérées. Au plus elles semblent fantastiques dans leurs résultats, au plus elles auront tendance à être reproduites et réobservées d’autant plus soigneusement.

Alors peut-être qu’être hostile à la science, ça revient également à cracher au visage de l’expérience. Ça me semble dommage … On pourrait envisager que le plus sage, ce serait simplement de tout recevoir avec un certain esprit critique !