Assez régulièrement, je me retrouve face à des pe…
Assez régulièrement, je me retrouve face à des personnes qui m’expliquent qu’elles n’ont pas eu le choix. Il vaut mieux un chien en bonne santé avec un collier électrique qu’un chien mort écrasé sous une voiture. Certes. Il vaut mieux un chien au pied, en collier étrangleur qu’un chien qui se blesse en tirant comme un fou, risquant même de se mettre en danger en ville. Certes. Il vaut mieux enfermer le chien en cage que de risquer qu’il croque un fil électrique et qu’il en meurt. Certes. Il vaut mieux … Vous voyez l’idée.

Parfois, ce type d’argument atteint les personnes présentes dans les associations de protection animale et ça devient : il vaut mieux une « rééducation musclée » qu’une euthanasie. Il vaut mieux mettre le chien dans un état de sidération, d’impuissance apprise, de détresse acquise que de le tuer.

Ce type d’argumentation permet de justifier tout et n’importe quoi sous couvert de sécurité. Pour le repérer, c’est assez simple, il suffit de remarquer qu’on oppose deux choix en écartant tout le reste, comme s’il n’y avait pas d’autres options. On oppose un choix terrible qui est présenté comme impossible à prendre et un choix qui semble plus raisonnable. Exemple : il vaut mieux que je mette mon poing dans ton nez, plutôt que je te tue. Certes.

Tout le truc est là : en réalité, il n’y a pas que deux choix. Je pense que le dernier exemple était particulièrement parlant pour ça, mais pour chacune des situations présentées, nous sommes dans le même cas. Rien ne légitime le fait que je te tue, toi, derrière ton écran. Mais rien ne légitime non plus que je te mette un coup de poing, toi, là, derrière ton écran. Les deux choix sont invalides, il n’y a pas à choisir.

Si des fois, le fait que les deux solutions soient mauvaises est une évidence, ce n’est pas toujours le cas. Le problème, c’est de se rendre compte qu’il existe d’autres solutions, tout un panel en réalité. Reprenons le premier exemple, il vaut mieux un chien bien vivant avec un collier électrique qu’un chien mort écrasé sous une voiture. Dans l’absolu je suis d’accord. Mais il existe d’autres choix, beaucoup plus intéressants qui auront ma préférence.

Par exemple je peux :
  • clôturer le jardin de manière à empêcher tout type de fugue (ce qui suppose une double clôture, de deux mètres, enterrée, avec un retour ou un rouleau voire un filet)
  • interdire l’accès au jardin et proposer des balades riches et variées
  • trouver la cause de la fugue et travailler dessus pour que le chien n’ait plus envie de partir
  • le sortir dans le jardin uniquement sous surveillance et faire un apprentissage en positif autour du respect des barrières (visibles ou non)

Je peux également combiner certaines de ces méthodes. Les deux choix binaires que l’on me proposait ne couvrent pas la totalité des possibilités existantes. C’était un faux choix, présenté ainsi pour me forcer à prendre une décision que je ne prendrais pas avec un avis plus éclairé de toutes mes possibilités. Pourquoi choisir une méthode impliquant la douleur lorsque je peux, techniquement, mettre en place d’autres solutions saines et sans douleur ? Il existe des choix variés qui me conviennent.

Cette idée de choix est importante car il y a un moment où cet argument intervient très souvent. Il y a un moment où des personnes faisant de la protection animale, donc des personnes qui pensent vraiment au bien-être animal, font le choix de la maltraitance. Une maltraitance éducative sous couvert de ça permet de « sauver les chiens ». Pire que ça, des éducateurs très violents dans leurs méthodes que ce soit physiquement ou psychologiquement en font leur argument de vente. Oui, leurs méthodes sont tout ce que vous voulez, mais eux, ils sauvent des chiens.

On pourrait s’étendre un moment sur la définition même du mot « sauver » parce que vivre un enfer, ça ne ressemble pas à un sauvetage, mais j’aimerai plutôt m’attarder sur cette notion de choix. Un chien très agressif met en danger les personnes, ça peut ressembler à une situation urgente. On peut se dire « il faut une solution maintenant ». Ok, mais et si on essayait de lister tous nos choix, éthique ou pas ? C’est un truc que je vous invite vraiment à faire quand vous vous retrouvez impuissants, demandez autour de vous, notez même les trucs qui vous paraissent inaccessibles que ce soit pour des questions de connaissances, d’argents ou d’équipements.

Nous avons cette situation de base : un chien est abandonné, il faut lui trouver une solution. Ce chien a mordu gravement. Que faire ?

  • le tuer (ce que l’on dira plus sobrement sous le terme de « euthanasier »)
  • le confier à un éducateur qui « sauve les chiens »
  • le mettre dans un refuge spécialisé
  • le mettre dans une famille d’accueil spécialisée

On peut déjà noter que nous avons plusieurs choix de structures (souvent pleines malheureusement) et ces structures ont elles même plusieurs choix de méthodes. Par exemple, si demain je devais devenir famille d’accueil spécialisée dans ce type de problématiques je pourrais :

  • construire un double chenil, avec une séparation interne manipulable depuis l’extérieur (pour pouvoir faire le nettoyage en toute sécurité), avec un sas, avec différents équipements qui m’aideront à travailler en douceur et sans danger. Pour illustrer ça, pensez aux soigneurs animaliers qui font du medical training avec un rhinocéros, un éléphant ou une panthère. L’équipement du parc permet certaines choses pour être en sécurité, nous retirons alors le problème même du danger.
  • découvrir les circonstances exactes de la morsure pour comprendre les déclencheurs afin de ne pas pousser le chien à la morsure, puis proposer des exercices adaptés, en liberté. (Potentiellement après avoir appris la muselière, mais même avec la muselière, en allant toujours au rythme du chien).
  • attacher le chien à un grillage ou demander à un collègue pour mettre le chien en double attache jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il ne peut pas attaquer, qu’il ne peut pas se défendre et qu’il tombe dans un état de sidération (détresse acquise)
  • mettre le chien en muselière et le pousser à la faute jusqu’à ce qu’il finisse en détresse acquise
  • mettre le chien en compagnie d’un lot de chiens régulateurs pour les laisser intervenir jusqu’à ce qu’il finisse en détresse acquise

Et si jamais je n’ai pas les compétences ou l’équipement, je peux toujours : admettre mon impuissance et demander de l’aide aux supers collègues du coin en attendant que je me forme pour la problématique particulière sur laquelle je bloque ou en attendant que je réunisse les moyens financiers pour pouvoir construire les équipements nécessaires. Rien ne me force à choisir une solution inappropriée (ici, celles qui finissent par de la détresse acquise).

C’est à ce moment-là, où on va me parler de réalisme. Les structures sont pleines, les familles d’accueil sont pleines, ça réduit énormément nos choix. Oui, c’est vrai. Un détail seulement, la protection animale manque d’argent. Quand il faut faire une opération, il y a des appels aux dons. Quand il faut déplacer un chien, il y a des appels aux covoiturages. Si on court après une bonne solution, on peut souvent l’atteindre.

A l’heure actuelle, on ne devrait jamais, jamais, jamais confier un chien à un éducateur, une famille d’accueil ou une structure quelconque qui va travailler dans la brutalité et la peur. Pourquoi ? Et bien parce qu’on retire les chiens des bourreaux, parce qu’on retire les chiens de la maltraitance. La maltraitance ne devrait jamais être vu comme une solution, même une solution par défaut, parce que sinon, c’est l’essence même de ce qu’est la protection animale qui n’a plus de sens.

Si vous avez besoin de structures, faites-le savoir, faites-le expertiser, faites ce qu’il faut pour pouvoir sauver ces chiens en question ou ne le faites pas du tout. Le rôle de la protection animale n’est pas de confier des chiens à des bourreaux qui vont leurs faire mal ou leurs faire peur. Rien ne justifie ça puisque d’autres solutions peuvent techniquement être mises en place.

Plus important encore, les éducateurs qui travaillent toujours ainsi doivent savoir qu’il existe d’autres méthodes et qu’ils peuvent s’y former. Ne pas savoir faire autrement, ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas évoluer. Lorsqu’ils font le choix de la brutalité ou de la peur, ils font un choix. Ils n’y sont pas forcés. Je comprends que la remise en cause soit difficile, mais elle est ici nécessaire. Je pense, sincèrement que lorsque les associations de protection animale feront leur travail pour leur tourner simplement le dos, ces professionnels seront d’autant plus forcés de faire ce genre de remise en cause. Nous n’avons pas à leur offrir la gratification de sauver des chiens car ce n’est pas ce qu’ils font. Ils détruisent des chiens qui vont déjà mal et font en sorte que leurs décombres ressemblent plus ou moins à un chien bien portant. Ce n’est pas un sauvetage, c’est une mascarade.

Nous avons des choix. Nous avons plein de bons choix. Nous avons plein de choix géniaux. Nous avons plein de choix qui s’ils ne sont pas parfait, permettent au moins d’attendre mieux, sans faire du mal à l’animal. Rien ne nous force à faire des choix par dépit. Alors soyons malin et bon courage à tout le monde.