On pense souvent -à tord- qu’en adoptant un chiot les choses seront plus faciles. On les voit comme des pages blanches sur lesquelles il suffit d’inscrire ce que l’on désire en le leur apprenant. Mon chiot tu seras sympa, sociable, tranquille, propre, gentil avec tout le monde et puis patient. Mon chiot tu ne détruiras rien, tu dormiras la nuit, tu resteras seul sans problème, … Mon chiot, tu seras parfait.
Seulement le chiot n’est pas une page blanche. Suivant l’endroit d’où il vient il aura des acquis très différents. Prenons quelques exemples très différents.
Le premier c’est un chiot qui grandit au milieu d’un certain nombre de chiens et d’humains dans une maison. Il apprend donc la communication canine, mais également à être zen avec les humains et les chiens. C’est un cadre de vie épanouissant et recommandable. Par contre, avant son arrivée, il ne sort quasiment pas et lorsqu’il arrive finalement il est insortable. Il a peur des plaques d’égouts, des poubelles, des panneaux publicitaires, des voitures, … Pire encore il ne dort pas. Pourquoi ? Ce n’est pas une évidence et cela vient pourtant de son lieu d’élevage. Il avait appris à dormir lorsqu’on le remettait en parc et uniquement dans ce cadre-là. Donc il ne dort pas, il tombe d’épuisement, fait des petites siestes quand il n’en peut plus, se relève, saute sur les humains, mordille, ne s’arrête pas. Avec l’épuisement vient l’énervement qui le rend encore pire. Ce n’est pourtant qu’un chiot, c’est censé être facile. Ca ne l’est pas.
Avec lui voici ce qu’il fallait faire :
- lui apprendre à se reposer en dehors d’un parc
- lui apprendre chaque objet de l’extérieur un par un
Il est arrivé avec ses facilités et ses difficultés propres. C’est une histoire banale qui peut arriver à n’importe qui. Pourtant si on ne réagit pas assez vite, on peut se retrouver dans une situation très difficile avec un chiot insortable, relativement violent à cause des mordillements et de l’irritation et avec beaucoup de difficulté à créer un lien. Ce chiot n’est pas agréable à vivre, même pas un peu. Et comment lui apprendre la propreté, la marche en laisse ou quoique ce soit en extérieur s’il panique de tout ?
Le second c’est un chiot qui grandit également au milieu d’un certain nombre de chiens et d’humains dans une maison. Les conditions sont similaires mais on y ajoute des sorties et notamment des sorties en ville. On pourrait donc s’attendre à ce que les difficultés rencontrées avec le premier ne soient pas présentes et effectivement ce sont deux chiens très différents qui vont avoir des problématiques très différentes. Avec le premier chiot nous avons vu des problématiques liées à la « préparation à la vie », il avait été mal préparé. Avec le second chiot, nous pouvons observer d’autres types de difficultés, celui du caractère propre. Ce chiot c’est quelqu’un et ce quelqu’un ne voit pas trop l’intérêt de côtoyer les humains. Alors comment créer un lien ? Comment lui apprendre le rappel ou quoique ce soit d’ailleurs ?
Avec elle, voici ce qu’il fallait faire :
- avoir des interactions positives, agréables
- travailler le suivi naturel puis le rappel
Mais également quelque chose de bien plus dur : accepter qui elle est et « faire le deuil du chiot idéal, proche de nous, adorateur de câlin, … » dont on pouvait rêver. Peu importe qui vous adopterez, ce sera quelqu’un et il sera un peu différent de votre idéal.
Ces deux chiots ont eu des difficultés différentes mais leur lieu de vie était plutôt bon, ils ont été choyés et les humains ont réellement fait de leur mieux du haut de leurs compétences, de leurs connaissances et de leurs possibilités techniques. Ce n’est pas le cas de tous.
Nous pourrions parler de ces chiots qui arrivent en fourrière, vivent en box au milieu des aboiements et du stress, parfois sans mère, parfois totalement seul. Nous pourrions parler de ces chiots qui viennent d’élevages en gros et qui ne connaissent quasiment pas l’humain, quand ils n’ont pas eu de tristes expériences. Ce ne sont pas des pages blanches. Ce ne sont jamais des pages blanches et tous poseront des difficultés.
Nous pourrions aussi parler des jolies histoires. Ces chiots qui n’ont pas de jolies vies et qui s’avèrent parfaits. On en connait plein des chiots qui n’avaient pas de jolies cartes dans leur jeu et qui n’ont pas eu l’air d’éprouver de difficultés. Des chiots jamais sortis et pourtant à l’aise en extérieur. Des chiots venant d’endroits très difficiles, grandissant sans mère et pourtant à l’aise avec les autres. Des chiots faciles.
Mais est-ce qu’en ayant la chance d’adopter l’un de ces chiots faciles on en fait forcément des adultes sympas ? Est-ce que c’est facile sur toute la ligne ?
Lorsque je parle de chiot facile, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce tout jeune loulou, adopter trop tôt, sorti dans assez peu d’endroits, sans aucun programme de socia ou d’éducation bien défini. Un loulou de famille qui s’est avéré facile, vraiment facile et pourtant, les petites lacunes des adoptants qui ont fait de leurs mieux ont amené des situations qui auraient pu conduire à l’abandon (voir pire) dans d’autres familles.
Ce chiot facile adorait se rouler dans le caca.
Ce chiot facile a passé sa vie a aboyé en sortant sur le balcon.
Ce chiot facile a passé des années à réclamer à table en sautant sur le bras d’une personne.
Ce chiot facile a été réactif en laisse envers les autres chiens.
Ce chiot facile a pincé quand un enfant a voulu lui piquer sa madeleine.
Ce chiot facile a pincé quand un enfant a voulu l’empêcher d’aller voir qui a sonné à la porte.
Ce chiot facile a pincé quand on a voulu mettre la main dans sa gamelle pour voir s’il réagissait.
C’était un chiot très facile avec qui tout était évident, le genre de chiot qui pardonne des bourdes énormes et des manquements. Et il aurait sans doute fallu faire un peu de prévention morsure, lui apprendre à gérer un peu la frustration et féliciter un peu plus souvent son calme pour qu’il soit vraiment parfait.
Je n’ai parlé que de trois chiots géniaux, personne n’a dévoré de canapé, n’a fugué, n’a été réellement agressif. Ces trois chiots ne sont ni les meilleurs, ni les pires. Mais dans tous les cas, adopter un chiot, ce n’est pas adopter une page blanche. Adopter un chiot ce n’est pas la garanti d’une bonne relation, d’une bonne éducation ou d’avoir ce que vous voudriez. Adopter un chiot peut demander plus de compétences que ce que vous envisagez. Si vous cherchez un chiot pour chercher la facilité, vous vous trompez de voie : adopter un chien, quelque soit son âge, ce n’est pas facile.