Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de deux sujet…
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de deux sujets différents qui se réunissent autour de ce thème « la charge que l’on fait porter à l’individu ». Vous connaissez sans doute cette phrase : « il n’y a pas de mauvais chiens, seulement de mauvais maîtres ». En gros, elle dit que s’il y a un souci, c’est de la faute de l’humain et en soi, c’est très souvent vrai.

Le chien nait en captivité (très généralement). Il est entouré dès son plus jeune âge d’humains et ces humains variés qui se succèderont autour de lui vont lui apprendre des choses qui façonneront son comportement. Ils vont lui apprendre des choses volontairement et involontairement. Puis finalement, le jour où apparaîtra le problème, si on remonte à la cause, l’humain sera sans doute là. Il peut s’agir d’un manque de socialisation qui rend un chien méfiant ou inquiet. Il peut s’agir d’un humain qui a cru bon de se promener avec tel autre chien, alors que non. Il peut s’agir de plein de trucs variés dont la cause est : nos décisions. Nous décidons tellement de tout dans leur vie, que forcément, nous sommes derrière la majorité des problèmes.

Quand on adopte un chien avec cette idée en tête, la charge que l’on porte est énorme. Ce poids peut nous conduire à commettre des erreurs en étant trop exigeant, trop pressé, trop directif, pas assez patient, trop vite déçu… sous le simple prétexte que si notre chien n’est pas parfait, c’est de notre faute. Nous sommes responsables.

Je ne suis fondamentalement pas d’accord avec ça. Par exemple, pour ma part, je défends une éducation collaborative. Ça implique que nos chiens sont nos partenaires. J’essaye de faire en sorte que mes chiens ne souffrent pas de mes choix, certes, mais j’essaye également de leur laisser une part de libre-arbitre que j’espère plutôt importante. Mes chiens font des choix et ils apprennent de leurs choix, parfois des trucs cools, parfois des trucs moins cools (à mes yeux). Parfois j’interviens pour éviter certains apprentissages, parfois je n’y parviens pas.

Prenons deux exemples. On pourrait dire qu’un chien parfait ne transforme pas le terrain en champ de mine et qu’il ne se roule pas dans les crottes. En fait, cette vision de la perfection est une vision très humaine et tout à fait discutable mais passons.

Ma petite dernière, Kuckunniwi, a appris à creuser par imitation avec un autre chien et elle s’y adonne allègrement. Je pourrais m’estimer fautive, après tout, je l’ai laissé voir cet autre chien et je savais qu’il creuserait. Cependant, l’apprentissage par imitation implique qu’elle observe le comportement (ça c’est de ma faute), qu’elle en comprenne l’intérêt, que cet intérêt lui plaise et enfin qu’elle parvienne à l’imiter. D’autres chiens observant des loulous creuser trouveront sans doute ce comportement assez inutile. Le ratio temps passé + énergie dépensée / proies capturées étant plus ou moins faible. Pour Kuckunniwi, il doit être proche du zéro absolu.

Elle a également observé d’autres comportements, dont en balade collective, un chien se roulant dans un … caca frais. Observons déjà ma part de responsabilité : j’ignorais la présence de cette crotte, j’ignorais que ce chien avait tendance à se rouler dedans, je ne pouvais pas prévoir la situation précise. Néanmoins, emmenant ma chienne en balade collective, je me doute que ce comportement peut se produire. Voilà, ma faute, mon poids, ma charge. Elle a observé, elle a compris l’intérêt, cet intérêt lui a plu … seulement, elle a eu des difficultés à reproduire le geste, ce chien s’étant penché pour frotter son cou dans la « substance malodorante », le geste étant peu évident pour elle. Voyant qu’elle essayait, je suis intervenue pour l’inviter à faire autre chose. Depuis, elle n’a pas retenté, mais ça arrivera peut-être.

Ici, je parle de comportements qui ne sont pas très graves et pourtant, si des invités viennent et voient mon jardin-champ de mine, ils pourront me juger. Si des personnes me croisent avec un chien couvert de caca, ils pourront me juger. La charge, c’est ça, c’est le regard des autres qui pèsent sur nous. Cette charge devient d’autant plus intense lorsque l’on est de l’autre côté de la laisse d’un chien réactif ou d’un chien agressif.

Pourtant l’humain qui tient la laisse peut être des plus innocents. Peut-être qu’il n’y ai absolument pour rien. Un comportement comme l’agressivité peut être dû à :
  • la génétique (exemple : transmission d’une peur par la semence du père)
  • un problème de santé (exemple : douleur)
  • une mauvaise association (exemple : peur des skates, skates = enfants -> peur des enfants)
  • une mauvaise expérience (sans que cet humain n’ait rien pu y faire)
  • une mauvais socia (sans que cet humain n’ait rien pu y faire)

Quand j’ai adopté mon premier chien, Fenris, je l’amenais souvent en ville. Un jour, dans une rue très fréquentée, un enfant s’est caché derrière un mur puis quand Fenris est passé devant lui, l’enfant a sauté à quelques centimètres de ses pattes en criant. Juste pour le bonheur de le voir sursauter.

A cet instant, mon chien aurait pu se retourner sur l’enfant et le mordre. Du point de vue légal, j’aurais sans doute été fautive. L’humain ici est fautif, l’enfant d’abord pour son comportement, les parents ensuite, pour le manque de prévention qui aurait pu éviter cette situation, les institutions ensuite, pour le manque de préventions morsures. On ne surprend pas un chien de cette manière.

Mon chien n’a pas mordu. Il l'a regardé à moitié blasé, avant de passer à autre chose. Suite à cet incident, il aurait néanmoins pu craindre les enfants (ou les coins de murs) et mal y réagir. Il y a une mauvaise expérience, mais mon seul tort a été d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. J’ai eu énormément de chance, Fenris n’a pas « marqué ». Il est resté sociable avec les enfants.

Alors bien-sûr, suite à cet incident, je pouvais faire un certain nombre de choses, malheureusement, parfois, le traumatisme est tellement grand, tellement fort, qu’il est difficile de mettre des choses en place pour simplement « réparer » ou « soigner ». Notre charge reste alors d’assurer la sécurité, mais si se promener avec un chien agressif, muselé, tenu en laisse, ça répond à notre charge de sécurité, le regard des autres reste très lourd.

Tout ça pour dire : Il y a sans doute de très mauvais humains, qui font très mal les choses, mais il y a également des mauvaises situations, auxquelles on ne peut rien.

Enfin, il y a également des mauvais chiens. Attention, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de causes derrières leurs comportements, mais un chien peut avoir des soucis neurologiques. Un chien peut avoir un bagage génétique qui va lui compliquer énormément la vie. Et là, peu importe où il sera adopté, l’humain ne pourra pas y faire grand-chose si ce n’est dépister la cause, la traiter si possible et gérer le quotidien. A partir du moment où l’on accepte que les chiens que l’on a devant nous soient des individus à part entière, on ne peut pas faire comme s’ils étaient tous capables des mêmes choses. On ne peut pas faire comme s’ils étaient tous forcément en bonne santé. On ne peut pas nier leurs individualités et les problèmes qu’ils peuvent avoir de façon individuelle.

Ceci étant dit, parmi tous les chiens que j’ai eu l’occasion de rencontrer, je ne me suis jamais dit, celui-là, c’est un « mauvais chien ». Peut-être parce que c’est tabou ou peut-être parce que je n’ai pas pu remonter assez loin dans les causes, mais j’aurais tendance à penser qu’un chien capable de vriller en quelques secondes passant d’une approche amicale à une franche agressivité, qu’un chien capable de passer du jeu à de la morsure, encore et encore, jusqu’à envoyer des humains à l’hôpital, même si la cause s’avérait être neurologique, génétique ou autre, ce serait avant tout : « un chien qui n’a pas de bol ».

J’ai dit en début d’article que j’allais aborder deux thématiques, nous avons vu la charge que l’on fait porter à l’humain, à présent, faisons une conclusion sur la charge que l’on fait porter aux chiens. Nous n’attendons pas, d’un petit humain qui grandit, qu’il devienne l’image même de la perfection. Pourquoi ? Parce qu’il est humain et l’erreur est humaine. Les petits chiots qui grandissent ne deviendront pas parfaits. J’ai une amie qui dit : « mes chiennes sont parfaites dans leurs imperfections », pour moi, c’est le signe d’une grande et très belle entente, car il s’agit d’accepter pleinement l’autre comme il est, en trouvant des compromis lorsque c’est nécessaire, en leur apprenant des choses pour les aider quand c’est possible. Néanmoins, il s’agit d’accepter son chien pour qui il est.

Ce n’est pas forcément une évidence, il peut y avoir des mésententes, des erreurs de castings, des choses particulièrement difficiles à accepter. On peut se sentir impuissant face à une situation. Par contre, si on commence à voir son chien comme étant un « mauvais chien », si on le trouve « pas assez performant », « pas à la hauteur », « décevant », … Ce n’est sans doute pas le chien le problème, mais le regard que l’on porte sur lui. En fait, la question est : est-ce qu’un autre humain, observant ce même chien se dirait forcément la même chose ? Nous n’avons pas tous les mêmes attentes, nous ne faisons pas tous porter le même poids aux chiens que nous rencontrons.

Au final, si les humains sont parfois problématiques, un autre problème est sans doute d’observer les autres (chiens ou humains) en leurs faisant porter le poids de nos attentes et de nos préjugés. La prochaine fois que vous verrez quelqu’un tenir un chien réactif, essayez de penser une seconde à toutes les causes potentielles qui ne sont pas liées à cet humain. La prochaine fois que vous observerez votre chien d’un mauvais œil, essayez de vous souvenir à quel point un autre humain pourrait l’apprécier pour qui il est.

Bref, relativisons et soyons bienveillant.