Il y a quelques années, on m’a demandé d’écrire u…
Il y a quelques années, on m’a demandé d’écrire un article sur la notion du chien éponge émotionnelle. J’ai beaucoup réfléchi et vous n’avez pas eu cet article, parce que plusieurs choses me posaient problème.

Oui, l’humain peut avoir une influence sur l’émotion de son chien et certains chiens sont effectivement de véritables éponges. Quand on ne va pas bien, ils ne vont pas bien. Quand on est heureux, ils sont heureux. Alors on pourrait en tirer une très bonne conclusion, très facilement : parfois, avant d’essayer de changer les comportements d’un chien, il faudrait regarder l’émotionnel de son humain et changer cet état émotionnel. Avant de vouloir travailler votre chien, faites-en sorte d’aller bien.

Souvent, pour illustrer ce propos, on peut avoir en tête l’image d’un binôme où le chien est réactif, imaginons qu’il l’est envers les autres chiens. Si on observe l’humain, il se tend, il fait la gueule voire il fuit quand il voit les autres chiens. Il surveille pour s’assurer qu’aucun chien n’arrive et scrute l’horizon au lieu de faire sa balade tranquillement. Et là, c’est très facile de vous parler d’éponges émotionnelles. Le chien voit son humain inquiet et tendu alors il devient inquiet et tendu à son tour. Il fait le lien entre cet état et l’arrivée d’autres chiens et patratra, voilà un chien réactif.

Je déteste ce genre d’exemples parce que derrière l’évidence se cache beaucoup de choses. Et je crois que l’idée de l’éponge émotionnelle fait énormément de mal à bien des binômes en faisant culpabilisé les humains.

Et si l’humain était innocent ?
Le premier point qui me dérange fortement c’est qu’avec cette idée d’éponge émotionnelle l’humain est toujours coupable. On ne la présente pas pour vous dire que c’est génial car tout ce que votre chien éponge, c’est de la joie de vivre. Non, on éponge des trucs pas cools.

Seulement, même si c’était le cas, même si effectivement, ce chien épongeait des trucs pas cools, est-ce que cela explique qu’il soit réactif comme dans notre exemple ? Posons la question différemment. Est-ce qu’en donnant un autre chien à cet humain alors cet autre chien deviendrait forcément réactif ? Non. Plein de chiens se poseraient sans doute la question de pourquoi l’humain se fait des coups de stress. Et puis, ils se méfieraient peut-être un peu plus de leurs congénères inconnus, mais ils ne deviendraient pas réactifs pour autant. D’ailleurs, une même personne peut avoir plusieurs chiens dont certains sont réactifs et pas d’autres.

L’humain n’est pas toujours coupable de tout et en le rendant responsable du mal-être de son chien, on améliore rarement le bien-être de l’humain… Ce qui suivant l’idée de l’éponge émotionnel, revient à empirer les choses à nouveau. Ironique, non ?

L’œuf ou la poule ?
L’autre point qui me travaille c’est l’idée que cette relation que l’on observe s’est construite dans le temps. On imagine que ce que l’on observe c’est cet humain stressé qui influence le comportement de ce chien, mais comment est-ce que ça s’est construit ? Oui, maintenant, l’humain a une influence, mais au départ ?

Peut-être qu’au début, cet humain était très calme et croisait d’autres chiens sans aucun souci. Mais si son chien a croqué trois chiens d’affilés (ou s’est fait croquer d’ailleurs), le stress s’est sans doute installé petit à petit. Enfin, on peut même espérer qu’il s’installe pour que la personne prenne les dispositions nécessaires pour éviter un nouvel accident… C’est même plutôt bon signe.

Mais du coup, si dans un second temps on l’observe et que l’on estime que son stress est problématique, on a peut-être raison. Seulement, ce n’est pas forcément ce même stress qui a provoqué la situation. On se trompe peut-être sur la cause et sur l’historique, ce qui reste bien dommage. Mais cette idée nous apprend également à surveiller l’évolution de nos émotions, à noter quand est-ce que ça dérape, quand est-ce que l’on est entrain de se faire peur ou de monter en stress. Cela nous apprend aussi à surveiller notre état émotionnel pour faire nos séances ou nos balades quand « ça va » et pas « en plein stress ».

Eponge ou ping-pong ?
Quand on parle d’éponges émotionnelles, on a l’impression que l’un éponge ce que l’autre produit, seulement, ce n’est pas tout à fait comme ça que je vois les choses. Je les envisage plutôt comme un ping-pong. L’un des deux, l’humain ou le chien, voit un premier élément qui l’amène à se tendre. L’autre voit son partenaire se tendre et se tends en retour, le stress monte. Le premier capte que le stress monte chez son binôme et stresse un peu plus encore et ainsi de suite comme une boucle infernale.

Quand on repère un ping-pong émotionnel, on peut effectivement travailler dessus en tentant de changer l’émotion du binôme, mais personne n’est totalement coupable. Le binôme fait ça très bien ensemble, uni dans les problèmes… mais également dans les solutions !

Eponge ou contagion émotionnelle ?
L’éponge émotionnelle laisse plus ou moins entendre que le chien éponge des émotions pas très agréables, mais ça se base surtout sur de la contagion émotionnelle. Imaginons que vous voyez un inconnu dans la rue particulièrement triste. A priori, vous ne devriez pas en éprouver de la joie. Vous pouvez vous sentir toucher par sa tristesse. A contrario, si vous êtes face à une personne entrain de s’amuser, ça pourrait vous tirer un petit sourire. L’émotion des autres provoque une émotion chez nous, on n’y est pas totalement hermétique.

Quand on voit un chien qui s’éclate, ça peut nous faire sourire. Si c’est notre chien, la contagion peut se faire de manière beaucoup plus franche encore. L’émotion est contagieuse.

Cette émotion contagieuse est un super chouette outil pour travailler les peurs, les angoisses, les moments de doutes chez son chien. Un simple éclat de joie peut parfois montrer au chien que tout va bien, mais ça marche aussi dans l’autre sens. En se concentrant sur leurs chiens, des personnes très stressées à l’idée de sortir de chez elles par exemple peuvent réussir à le faire. Alors ce n’est pas sans conséquence pour le chien qui prend sur lui et qui gère ce qu’il perçoit des émotions de son binôme, tout comme ce n’est pas de tout repos pour un humain de sortir un chien très angoissé.

L’impact de l’un sur l’émotion de l’autre devrait être davantage observé, parce que c’est passionnant mais aussi pour limiter les dégâts ou encore trouver de chouettes solutions innovantes notamment dans les cas de peur.