En combien de temps mon chien sera éduqué ? C’est sans doute une question récurrente et parfois, c’est malheureusement un argument de vente. Éduquer votre chien en X jours, éduquer votre chien en X minutes par jours, éduquer votre chien en X week-end, … voici autant de titre que vous pouvez réellement trouver. Seulement c’est un mensonge. Un mensonge assez grossier et vous êtes sans doute au courant. Ce n’est pas possible d’annoncer qu’en tant de jours le chien sera éduqué, même si nous définissions ensemble une grille de lecture pour savoir si le chien est « éduqué » ou pas (car nous n’avons pas tous les mêmes critères), le nombre de jours est irréaliste et pour comprendre ça, je vous propose de décortiquer un petit peu le sujet.
Quand vous rencontrez un professionnel, vous avez sans doute envie qu’il vous dise en combien de séances le problème que vous avez sera réglé, ne serait-ce que pour des raisons de tarifs. Et le professionnel fera peut-être une estimation en fonction de ce qu’il observe car tous les chiens et plus largement tous les binômes ne partent pas du même point.
Envisageons la situation suivante : j’aimerais que mon chien cesse de tirer en laisse. Alors combien de séance ?
La réponse va dépendre du milieu, s’il est possible de le mettre en longe et qu’il ne tire plus à une certaine distance de vous (ce qui est souvent le cas), alors vous allez acheter le matériel, l’éducateur vous prendra peut-être une séance pour vous montrer comment manipuler la longe et comment faire de la capture pour encourager le bon comportement et peut-être même un peu de suivi pour éviter les soucis aux croisements. Et voilà votre problème est réglé.
La réponse va dépendre de l’état émotionnel de votre chien, s’il tire parce qu’il panique ou parce qu’il est trop excité, on rentre sur une problématique très différente. Là il ne s’agit plus de lui apprendre simplement un comportement, il s’agit de changer ses émotions, un chantier autrement plus vaste !
La réponse va dépendre du binôme humain également, de son investissement personnel mais aussi de ses compétences propres. Le moindre apprentissage un tant soit peu sérieux demande de la précision, or nous ne sommes pas tous égaux là-dessus non plus.
Nous pourrions dire que la vitesse de progression est d’abord définie par le chien, puis par son binôme et son environnement. Dans tous les cas, nous ne pouvons pas aller plus vite que la compréhension et la motivation du chien. Et c’est cette fluctuation qui est peut-être la plus intéressante : tous les chiens ne comprennent pas à la même vitesse et de la même manière. Le caractère individuel est à prendre en compte.
Voici deux exemples similaires qui peuvent augmenter très fortement le nombre de séances prévu.
Nous cherchons à accélérer un mouvement dans le cadre d’un sport (l’agility). Le conseil qui va être appliqué est le suivant : on appelle joyeusement, on rajoute un peu de vitesse du côté de l’humain pour pousser le chien à accélérer légèrement. Nous avons une chienne qui perd un peu en motivation et qui aime les encouragements. Il n’y a donc aucune contre-indication évidente. Seulement, lors de l’application, elle trouve cela bizarre, l’associe à l’élément le plus proche et refuse de retourner dans les tunnels. Le gros blocage. On vient de perdre une séance, parfois on vient de reculer de plusieurs séances et il faudra plus ou moins de travail pour retrouver le niveau précédent. Alors rien n’est réellement perdu, les apprentissages ne se sont pas effacés de sa tête, mais il y a une mauvaise association de faite et il faut la corriger.
Autre exemple, lors du travail d’une muselière, j’ai fait le choix d’attendre un tout petit peu avant de récompenser pour amener la chienne à insister légèrement afin d’introduire un début de durée. Elle connait l’exercice, il est renforcé depuis longtemps. Elle a toutes les raisons du monde d’insister et donc de proposer ce que je désire, mais elle décide qu’elle s’est trompée et qu’il faut donc faire autre chose : viser à côté de la muselière, toucher mes mains, contourner les sangles, … Le cafouillage se règle rapidement, mais au lieu de progresser, on perd une bonne moitié de séance et surtout, on va devoir être patient. Le nombre total de séance peut être réévalué à la hausse.
A contrario, un chien peut comprendre ou proposer des choses bien plus vite que prévu soit parce que la situation de base avait été mal comprise par les humains (ce qui est très fréquent en réalité), soit parce qu’il comprend très vite là où on veut en venir. Certains chiens peuvent même sembler très intuitifs, comme s’ils devinaient ce que l’on veut.
Il n’est donc pas impossible d’évaluer le nombre de séances à prévoir, mais pour que cette prédiction ait plus de chance d’être juste il est important de bien comprendre les détails de la situation (les émotions en jeu, les compétences, les particularités individuelles, …). Il faut également prendre en compte que cela va évoluer. A force, le binôme va apprendre à apprendre. L’humain gagnera en précision. Le chien comprendra mieux les propositions et testera de plus en plus facilement des propositions. Au sein d’un seul et même apprentissage un peu complexe, on peut observer cette évolution.
Tout ceci pour vous dire que le chien apprendra pendant toute sa vie, il ne faut pas être trop pressé. Faites attention aux arguments commerciaux, un faible nombre de séance n’est pas gage de qualité et si vous êtes inquiets pour des raisons de budgets : il est possible d’apprendre à apprendre à vos chiens avec les professionnels ce qui peut alléger le budget à terme.
Mais surtout, la stabilité et la qualité de l’apprentissage sont plus importants que le seul résultat. Chaque apprentissage peut permettre au binôme de gagner en compétence, rendant les futurs apprentissages plus faciles ou au contraire, cela peut démotiver, cela peut faire de l’éducation un truc désagréable ce qui serait bien dommage pour l’avenir du binôme. Et enfin, soyons bienveillant et allons-y au rythme du chien.