Un jour, en balade, je me retrouve à faire un croisement sans pouvoir trop m’éloigner. Nous sommes chacune d’un côté de la route. Je tiens un chien en laisse longue et harnais. La personne en face tient un autre chien avec le même équipement. Les deux chiens ont des comportements similaires : ils s’observent, ralentissent, semblent hésiter à faire la rencontre et puis nous suivent.
Seulement il y a une différence fondamentale.
Lors du croisement je dis « oui » parce qu’observer l’autre tranquillement c’est bien, « oui » parce que rester calme c’est bien, « oui » parce que garder la laisse détendue c’est bien, « oui » parce que se détourner c’est bien, « oui » parce que me suivre c’est bien. Toute une petite série de « oui » donc. Et l’autre personne, avec les mêmes comportements et le même tempo dit « non », « non », « non », « non », … Pourquoi ?
Bon, un croisement, une personne ça ne veut rien dire. Seulement c’est un circuit très fréquenté et je vais me retrouver à refaire ce même croisement plusieurs fois, face à plusieurs personnes et le plus souvent face à des chiens que je connais. Ce sont des chiens que je pourrais balader et avec qui je dirais « oui ». Et j’observe à nouveau ce même phénomène. Alors pourquoi ? Est-ce que je devrais dire « non » ? Et « non » à quoi ?
En réfléchissant un peu, je me rends compte que le « non » qui sort à ce moment-là ne concerne sans doute pas le comportement actuel du chien. C’est peut-être plus un « non » d’anticipation. Un « non n’y penses même pas » ou un « non, je te vois venir et je suis pas d’accord ». Ce non d’anticipation est un véritable souci à mes yeux car le chien vit dans le présent et pas dans son comportement potentiel de dans deux minutes. Alors de son point de vue il a entendu :
- Non, ne regarde pas l’autre chien tranquillement
- Non, ne reste pas calme
- Non, ne garde pas la laisse détendue
- Non, ne te détourne pas
- Non, ne me suis pas gentiment
Bizarre vous ne trouvez pas ? Seulement pour l’humain qui s’imagine déjà avec un monstre d’excitation en bout de laisse et qui voit le calme s’effacer légèrement, la tension musculaire se crée doucement et tous ces petits signaux d’alertes du potentiel comportement à venir, c’est tout à fait logique. L’humain et le chien sont en décalage.
Mais du coup, qu’est-ce qui fonctionne le mieux ?
En éducation on dit qu’une punition (ici ce petit « non ») ou une récompense (ici ce petit « oui ») vient agir sur la probabilité que le comportement se reproduise. Quel comportement ? Celui qui se trouve juste avant notre intervention. Pas le comportement à venir, mais ce que le chien vient concrètement de faire.
Prenons un exemple, le chiot arrive sur vous avec de petits yeux d’amour qui vous dises : je vais te mordiller mais il ne le fait pas encore. Si je dis « oui », j’encourage le comportement : s’approcher gentiment de moi. Si je dis « non », je décourage ce même comportement. Je n’ai aucun effet direct sur le mordillement à venir. Par contre, il y a un effet secondaire puisque mon comportement va venir influer sur l’émotion du chien. Avec le « oui », je vais augmenter la joie et avec elle, potentiellement l’excitation (et je vais devoir moduler ma récompense vocale pour ne pas trop monter en excitation sinon les mordillements arriveront sans doute). On va faire également une association positive (s’approcher de moi c’est cool). Avec le « non », je vais diminuer la joie, augmenter potentiellement la crainte (et je vais devoir moduler cette punition vocale sinon il pourrait me fuir activement). Et on va faire une association négative : il vaut mieux m’éviter, je suis souvent mal lunée et pas agréable. Et ceci peut avoir un lot supplémentaire d’effet, avec le « oui » : le chiot qui désire mon attention, qui désire un contact agréable va apprendre qu’il suffit de m’approcher doucement (sans sauter, sans mordiller, …). Avec le « non », malheureusement, on a pas fourni de solution au chiot.
En conclusion, je vous encourage à surveiller cette petite tendance. Quand vous dites non, est-ce pour un comportement dérangeant ou en anticipant un comportement dérangeant ? Et si à la place vous disiez oui, est-ce que vous n’encourageriez pas justement le comportement que vous désirez ? Bonnes observations !