Tous les humains adoptant des chiens n’ont pas un…
Tous les humains adoptant des chiens n’ont pas une relation similaire avec eux. Certaines personnes vous diront que les chiens sont des membres de leur famille au même titre que leurs propres enfants. D’autres personnes choisiront d’adopter un chien pour des aspects pratiques et fonctionnels qu’il s’agisse de chiens de chasse, de garde ou autre. Certaines personnes feront en sorte que leur chien devienne obéissant, qu’il cède et écoute en toute circonstance, peu importe ce qu’il désire. D’autres chercheront une relation basée sur la complicité ou encore sur la coopération ou l’entraide. Il existe énormément de profils de binômes différents combinant parfois différents éléments parmi ceux que je viens de citer.

Certains abandonnent leurs chiens au bord de la route. Certains vendent leurs chiens. Certains les offres gratuitement, contre bon soin. Certains poussent le portillon des SPA pour se débarrasser de leurs chiens. Certains cherchent des familles d’accueil pour les abandonner. D’autres ne les quitteront jamais. Il est parfois surprenant de voir la légèreté dans l’acte d’abandon. « Je ne m’étais pas rendu compte qu’il coûterait aussi cher, alors je vous le laisse. » A peine une semaine après l’adoption, tout juste un merci, un au revoir, et ces personnes retournent vaquer à leurs occupations, un poids en moins et parfois l’impression d’avoir fait ce qu’il fallait. Après tout, s’ils ont contacté une association, c’est déjà qu’ils n’ont pas fait un abandon sauvage en jetant le chien dehors.

La légèreté dans l’abandon, on la retrouve tout autant dans l’adoption. Pourquoi désirez-vous adopter ? « Parce qu’il me plait. » Les raisons semblent futiles, peu importante, assez loin de la vérité profonde. Nous adoptons avant tout pour des raisons égoïstes. Pour se sentir important, pour se sentir aimé, pour avoir de la compagnie, pour avoir l’impression de compter, pour se sentir plus respectable … Il y a quelque chose de fondamental là derrière, quelque chose que l’on tait, voire quelque chose que l’on ignore assez souvent.

De l’adoption à l’abandon, il n’y a qu’un pas. L’abandon est un acte choquant à mes yeux, quelque chose d’assez inexplicable même si je cautionne certains abandons, voire pire : je les encourage. N’euthanasiez pas pour des raisons comportementales, cherchez une structure adaptée, qui sera respectueuse de votre animal, de ses besoins et de ses problématiques et abandonnez. Sincèrement. Si vous ne pouvez plus rien faire, si vous n’avez plus la moindre possibilité, si vous risquez de vous mettre en danger ou de mettre d’autres personnes en danger, abandonnez : d’une façon éthique et responsable. S’il n’y a aucune possibilité d’assurer le bien-être de votre animal, s’il n’y a aucune chance d’évolution positive, si la situation peut causer du tort à l’animal, d’accord, abandonnez.

Ou plutôt … faites appel à un professionnel, faites évaluer la situation, si le professionnel conseille l’abandon, allez voir la concurrence, cherchez d’autres solutions, si le professionnel suivant conseille l’abandon, alors peut-être que vous avez réellement fait le tour des possibilités viables.

Ces situations sont finalement très rares et elles touchent à chaque fois, il me semble, à l’erreur de casting. Ce binôme ne fonctionne pas. Il n’a aucune chance de fonctionner. Ça peut être à cause du milieu, de l’environnement ou de qui sont ces individus. Imaginez une seconde, une personne âgée en appartement devant promener un chien réactif qui se jette sur les humains. Même si nous assurons la sécurité des autres avec des muselières et des équipements adaptés, si cette personne tombe, elle peut se blesser sérieusement. Elle n’a pas la force. Dog-sitter ? Elle n’a pas le budget. Même avec toute la bonne volonté du monde, parfois ça ne fonctionne pas. Oui, mais ces abandons que je peux accompagner parfois, ce ne sont pas eux qui nous choque le plus. Ces abandons ne sont pas le problème, dans ces situations le problème c’est plutôt : l’adoption. Il y a eu une erreur en amont.

Seulement, il y a des centaines d’abandons chaque année. Les SPA se remplissent jusqu’à déborder. Les associations ne parviennent plus à gérer. Chaque année, il y a des euthanasies pour cause de « manque de place » et tous les abandons ne passent pas par la protection animale. Il y a toujours des ventes entre particuliers.

Personnellement, j’attends des personnes qui adoptent qu’elles réfléchissent avant. J’attends qu’elles soupèsent le pour et le contre, qu’elles se renseignent, qu’elles fassent attention, qu’elles essaient de répondre à cette question : « est-ce que mon foyer correspond aux besoins de cet individu canin ? ». J’attends des personnes qui adoptent qu’elles aient conscience de leurs responsabilités et qu’elles essaient réellement de faire de leur mieux. Ca ne veut pas dire que tout le monde réussira au bout du compte, mais je pense que si on essaie, sincèrement de faire attention avant d’adopter, alors on éviterait énormément d’abandons.

Seulement voilà, cette grille de lecture avant adoption, c’est une grille qui correspond à ma vision du chien. Cette grille suppose que l’on perçoit le chien comme un individu, ayant des besoins, dont nous serons responsable de manière inconditionnelle. Peu importe ce que ce chien fera, peu importe qui il deviendra, peu importe comment il sera, à partir du moment où il rentre dans mon foyer, il en devient un membre à part entière. Il n’a pas besoin pour ça de remplir la moindre condition.

Prenons un exemple. Si demain, mon chien développe un problème de santé qui changera son apparence : je ne l’abandonnerai pas. Si ce problème de santé m’empêche de faire les activités que je souhaitais avec lui : je ne l’abandonnerai pas. Si ce problème de santé me coûte beaucoup d’argent : je ne l’abandonnerai pas. Si ce problème de santé me dégoute, me répugne, me donne envie de vomir : je ne l’abandonnerai pas. Pourquoi ? Parce que sa place dans mon foyer n’est pas soumise à condition. A la limite, l’extrême limite, les seules conditions sont la possibilité d’assurer la sécurité du chien et des personnes qui l’entourent. Si mon chien devient trop dangereux pour mon milieu, si je suis absolument coincée, sans aucune possibilité d’améliorer alors peut-être … peut-être seulement. Je fais partie des personnes capable de choisir où elles habiteront en fonction de leur chien. Pour assurer cette ultime condition, je suis prête à faire beaucoup d’efforts.

Maintenant, il y a des personnes qui adoptent pour que le chien réponde à un besoin précis. Ils ont une attente. La place du chien dans leur foyer est soumise à condition, des conditions parfois drastiques. Pour un problème de rappel, pour une fugue, pour une mésentente avec le voisin, pour un problème d’aboiement, pour une destruction : ils peuvent abandonner leur chien. Il suffit de presque rien à mes yeux et peut-être aux vôtres pour que leurs chiens aient franchi la ligne rouge et qu’il se retrouve du jour au lendemain dans une association ou sur des annonces. A donner. A vendre. Urgent.

Au-delà de la colère que cela suscite chez moi, il me reste une véritable interrogation : comment prévenir de ces abandons ? On ne peut demander à tout le monde d’avoir la même forme d’éthique lorsque la vision même du chien est si différente d’un individu à l’autre. Certains adoptent, abandonnent, réadoptent, réabandonnent sans que ça ne leur fasse rien. Le chien n’a fait que croiser leur route et ils leur souhaitent bon vent et bonne continuation sans un regard en arrière. Vous en connaissez peut-être, j’en connais.

Est-ce que les vidéos larmoyantes sur l’abandon les touche ? Est-ce qu’ils sont sensibles aux campagnes publicitaires ? Je ne parle pas simplement de l’émotion vive et immédiate, je parle de prise de conscience. J’en doute sincèrement déjà parce qu’elles arrivent trop tard.

Peut-être qu’au lieu de faire des campagnes contre l’abandon, nous devrions surtout faire des campagnes pour des adoptions éthiques et peut-être que nous devrions fournir au grand public beaucoup plus d’informations afin de faire évoluer le regard que ces adoptants portent sur les animaux. Ça ne changera pas tout, car les mentalités évoluent doucement, mais je pense qu’il y a quelque chose d’assez fondamental derrière tous ces abandons. Nous n’adoptons pas pour les mêmes raisons et nous n’adoptons pas pour de bonnes raisons. C’est ok. On est tous au même niveau là-dessus.

Certaines campagnes me touchent et m’interpellent car elles parlent exactement de ça. Pourquoi est-ce qu’on adopte ? C’est par exemple le cas de cette campagne.
Abandon chien

« Chaque année, des centaines de chiens sont abandonnés parce que leurs propriétaires sont fatigués de jouer avec eux » - campagne de : https://www.altarriba.org



Adopter pour avoir un compagnon de jeu, c’est bien sympa mais est-ce que ce nouveau jouet ne va pas vous lasser ? S’il y a un risque que vous abandonniez votre animal, que vous le laissiez sur le bord d’une route, dans une association ou que vous le vendiez pour qu’il s’en aille, tout simplement, peut-être que le plus sage ce serait encore de ne pas l’adopter ?

Et maintenant, il ne nous reste plus qu’à vulgariser, encore et encore, pour que chacun comprenne ce que c’est qu’un chien : un être sensible, qui s’attache et qui ne vit pas l’abandon comme un changement agréable de cadre de vie.
Maxine
Maxine
Cet article m’a touchée car il résonne profondément en moi. J’ai une courte histoire à partager, la mienne, rassurez-vous, elle se termine bien mais elle m’a changée du tout au tout dans ma relation non seulement avec mes chiens mais aussi au monde environnant. En 2010, Moon, une petite bernoise a intégré notre foyer. Un an après, Batka, un chiot bernois venait la rejoindre. Au bout de 18 mois et après un hiver particulièrement pluvieux, j’ai craqué. La maison était toujours boueuse, les meubles poussiéreux, les chiens entraient et sortaient en décalé. Je devenais dingue. J’ai dis a mon mari que ce n’était plus supportable et que nous devions nous séparer des chiens. Il a donc appelé des vétérinaires pour prendre conseil. Sans succès. Jusqu’à ce qu’un praticien lui propose d’euthanasier nos boubous au motif que personne ne voudrait adopter deux chiens adultes qui avaient toujours vécu ensemble. Mon mari m’a dit qu’il était pour lui hors de question de tuer nos chiens. De mon côté, j’ai ressenti un immense froid dans tout mon corps quand il m’a relaté son entretien téléphonique et j’ai approuvé sa décision. Impossible de tuer nos chiens. De ce jour, j’ai dévoré tout ce que j’ai trouvé sur les chiens et sur les Bernois et tenté de me glisser dans leur Umwelt. J’ai passé les meilleures années de ma vie en balade dans les bois, croisant sangliers et chevreuils sans crainte de mauvaise rencontre. Batka est décédé d’un cancer du pancréas et du foie en juillet dernier...dans nos bras. Il me manque. Je guette souvent son retour. Moon dort.