Qu’est-ce qu’un professionnel ? Un professionnel est un être humain -comme vous et moi- qui s’est formé, plus ou moins bien, plus ou moins longtemps, avec plus ou moins de sérieux afin d’être compétent dans son domaine. Ce professionnel peut être votre éducateur canin, votre comportementaliste canin, votre vétérinaire ou peu importe. Notre situation de base est celle-ci, vous êtes le client et vous avez à faire à un professionnel.
Ce professionnel est peut-être très compétent. Ce professionnel est peut-être tout à fait incompétent. Avec un chien (ou un chat par exemple) nous nous retrouvons dans une situation très particulière. Ce professionnel va -peut-être- intervenir directement sur l’animal. Néanmoins, il n’y a que vous pour assurer la sécurité de votre animal et cela implique quelque chose de très difficile : il faut savoir arrêter le professionnel. Lui dire « non », « stop », « arrêtez-vous ».
Habituellement, nous apprenons à céder à l’autorité. Ainsi, nous avons tendance à céder aux injonctions des professionnels en pensant qu’ils sont plus à même que nous de juger la situation et d’y répondre correctement. Mais nous pourrions voir les choses autrement. Un professionnel est une personne qui propose ses compétences contre de l’argent. Puisque vous êtes son client, il travaille pour vous. C’est vous le patron ! Alors si le service proposé ne vous convient pas, vous pouvez aller ailleurs, vous avez le pouvoir décisionnaire. En tant que client, vous pouvez tout à fait demander des précisions, des éclairages afin de vous permettre de mieux évaluer la situation. Il ne s’agit pas de s’en remettre aveuglement au professionnel et la relation de confiance qui peut s’installer doit être méritée.
Un professionnel peut se tromper, il peut mal évaluer la situation, il peut créer des problèmes, il peut mal réagir, il peut avoir peur, il peut faire du mal sans le vouloir, il peut également être totalement incompétent dans son domaine de formation … tout comme il peut outrepasser son domaine et venir donner des conseils alors qu’il n’y connait strictement rien.
Donc face à un professionnel -quel qu’il soit-, il faut savoir dire « stop », « non », « non merci », « je suis contre cette méthode, proposez m’en une autre » mais on peut également demander « pourquoi ? » ou « y-a-t-il d’autres alternatives ? », « qu’est-ce qui vous fait choisir cette méthode » ou même simplement « expliquez-moi ». Ce n’est pas quelque chose de facile et pourtant il en va de la sécurité de votre animal.
Voici l’exercice que j’ai tendance à m’imposer lorsque -personnellement- je n’ai pas réussi à arrêter un professionnel ou une figure d’autorité quelconque alors que j’aurai dû. Car oui, cela vous arrivera peut-être malheureusement et cela m’est déjà arrivé.
- visualiser la scène, voir s’il était possible d’anticiper le problème
- réfléchir à des moyens de prévention
- réfléchir à des moyens d’intervention si l’anticipation a été loupée
- s’entraîner avec des phrases types
Prenons deux exemples concrets de figures d’autorités qui peuvent être difficiles à stopper.
En exposition canine, les juges touchent les chiens pour vérifier les physiques. Certains contacts sont normaux et prévus, par exemple : vérifier les dents. D’autres contacts ne sont pas normaux par exemple : vérifier la souplesse du chien. Je me suis retrouvée dans une situation où un juge a forcé sur ma chienne pour vérifier sa souplesse, c’est quelque chose qui n’est pas prévu et qui n’est pas recommandé sur des muscles froids, sans échauffements et dans une situation potentiellement un peu stressante. Souvent dans ce genre de situation, on peut se sentir pris de court et ne pas savoir comment réagir. C’est typiquement mon cas, je me prépare donc à ce type de situation.
- anticipation du problème : il est difficile d’anticiper le problème car les juges ne demandent pas forcément avant d’établir le contact et tous les juges ne vont pas faire les mêmes choses.
- moyen de prévention : je pourrais arrêter les concours ou je pourrais communiquer avec les juges avant de présenter ma chienne ou encore je pourrais échauffer ma chienne (comment ?) et la préparer à ce type de manipulation pour qu’en cas d’incident ce soit moins problématique.
- moyen d’intervention : je pourrais stopper la manipulation en parlant.
- phrases types : peut-être pourrais-je employer ce genre de phrases:
- il est demandé par le club de la race de ne pas vérifier la souplesse des chiens
- ma chienne est très souple mais elle n’a pas été échauffée, il ne faut pas tirer sur sa tête.
- j’ai vu que le club de la race demandait à ce que la souplesse ne soit pas vérifiée, est-ce que ça vous convient si on évite ces manipulations ?
Ou encore :
- s’il-vous-plait, ne manipulez pas sa tête. Elle n’est pas échauffée pour.
- s’il-vous-plait, ne la manipulez pas comme ça. Elle n’est pas échauffée pour.
- excusez-moi. Je préférerais que vous ne la manipuliez pas ainsi.
- Stop ! S’il-vous-plait. Elle est très souple, mais on préfère ne pas vérifier.
En donnant les explications au préalable, en glissant une figure d’autorité (ce qui est horriblement triste et ironique dans cette situation), en argumentant, on peut placer la personne dans de bonnes conditions pour accepter notre refus ou notre intervention sans en arriver à une situation conflictuelle. Mais le plus important, ça reste la sécurité. Personnellement, je préfère avoir ouvertement un problème avec un juge plutôt que de mettre ma chienne en danger. Ce serait la pire des possibilités, mais en la verbalisant, en en prenant conscience, je serais peut-être plus à même de réagir en cas de danger.
Le second cas concret dont j’aimerai parler est un cas que nous allons tous rencontrer de temps à autre. Nous allons parler de vétérinaires et donc de manipulations potentiellement dangereuses et peu agréables pour l’animal.
Tous les vétérinaires n’ont pas les mêmes pratiques donc je vais reprendre une situation très précise pour compléter mon petit schéma. Il s’agit d’une vétérinaire peu délicate qui a commis des actes dangereux et douloureux. Savoir comment réagir dans ce genre de cas peut être difficile, si jamais cela vous arrive, il ne faut pas culpabiliser, simplement vous préparer à la prochaine rencontre.
La situation est celle-ci : un chien qui n’a jamais posé de problème à un vétérinaire se retrouve muselé par un lacet trop serré et s’étouffe. Ses babines deviennent violettes. Ses yeux se révulsent et s’injectent de sang.
Après coup voici le schéma que l’on pourrait suivre :
- anticipation du problème : ce vétérinaire est le problème.
- moyen de prévention : ne plus retourner le voir (et prévenir sa clinique !)
La pose d’un lacet pour museler le chien est un geste technique que le vétérinaire est censé maîtriser. Le chien ne doit ni s’essouffler, ni ressortir avec des marques dû au pincement. A mes yeux, il s’agit d’une faute grave. Mais imaginons que même en évitant ce vétérinaire, la situation vienne à se reproduire, que peut-on faire ?
- anticipation du problème : observer le début de la séance pour voir si un lacet est sorti
- moyen de prévention : habituer son chien au port d’une muselière classique et proposer de lui mettre à la place du lacet, faire des exercices de médical training pour que le chien soit à l’aise avec le vétérinaire, …
- moyen d’intervention : si le lacet est sorti, parler au vétérinaire et proposer une alternative (muselière classique) ou écourter la séance et refuser le port du lacet.
- phrases types
- Excusez-moi, je refuse le lacet. Mon chien a déjà eu un accident avec ça. J’ai emmené une muselière qui lui convient, si vous pensez que c’est vraiment nécessaire.
- Non, pas de lacet s’il-vous-plait, on a déjà eu une très mauvaise expérience.
Ou encore on pourrait partir sur ce type de principe :
- Bonjour, excusez-moi, j’ai simplement une demande particulière à faire. Mon chien est très sensible, donc pendant la séance je le manipulerai moi-même pour le mettre dans les positions que vous voudrez. Comme ça, ça se passe très bien.
Si le vétérinaire refuse, on peut choisir de partir dans la majorité des cas (hors urgence vitale) ou lui demander des explications précises pour comprendre ce qui motive son choix.
Essayez réellement de trouver des phrases types avec lesquelles vous pourriez être à l’aise et que vous pourriez réellement dire. Pour arriver à intervenir et à dépasser la figure d’autorité qui peut être plus ou moins écrasante, il faut vraiment s’y préparer. Si vous êtes timide ou que vous avez du mal dans ce type de situation, la préparation pourrait réellement tout changer.
Enfin n’oubliez pas : certes le professionnel est censé être la personne la plus compétente, mais pour assurer la sécurité de votre animal, il n’y a que vous. Vous êtes sa sécurité. Si un geste ne vous convient pas : dites-le. Si un professionnel ne vous convient pas : allez voir la concurrence et prévenez-les. Vous pouvez tout à fait arriver en expliquant la situation : c’est la première fois que je viens ici, je suis déçue de ma dernière consultation vétérinaire parce que « tel geste » et j’aimerai que ça ne se reproduise pas ici. Si c’est possible, je préfèrerai que ça se passe « comme ceci ». Ou encore : je viens pour avoir « ce service », est-ce que votre clinique peut me le proposer ? Sinon, ce n’est pas grave, dites-le-moi, j’appellerai la clinique suivante.
Souvent, beaucoup de problèmes peuvent être résolu par le dialogue mais pour ça, il faut aussi savoir s’imposer et rappeler que l’on existe. Les professionnels du milieu animal ne doivent pas s’occuper uniquement de l’humain ou de l’animal. C’est le binôme qui doit être pris en compte.
Je vais rajouter deux lignes qui me paraissent importantes. J’ai écrit cet article à froid, une fois l’émotion passée. Et je l’écris en tant que binôme de boules de poils, mais également en tant que professionnelle. Pour moi, un bon professionnel fait tout pour devenir meilleur, pour être plus compétent jour après jour et cela passe également par l’écoute des attentes des personnes et de leurs animaux. A aucun moment, nous ne devrions représenter le danger.