Une grande arnaque

Ecrit par Céline , il y a 16 heures

Dans le grand milieu du comportement animal, il y a une arnaque qui sévit actuellement et qui est très insidieuse. C’est une véritable arnaque, qui permet -je pense- de trouver des clients et de gagner de l’argent (ce qui est tout de même la base en matière d’arnaque). Elle est très simple, elle consiste à faire croire que l’on est particulièrement savant (et donc digne de confiance) en matière de neuroscience alors que ce n’est pas le cas. (Précisons bien que je n’ai rien contre les véritables experts, je sais juste qu’ils sont très peu nombreux dans le paysage et qu’ils s’arrachent les cheveux autant que moi face à cette arnaque).

Petit exemple pour illustrer :

« Faire baisser le cortisol, l’hormone du stress, est un enjeu de toute approche comportementale sérieuse, cela va d’ailleurs permettre une meilleure neuroplasticité. »

Impressionnant, non ? Et bien, je viens d’employer ces termes « cortisol », « hormone » et « neuroplasticité » complètement au hasard ou presque (ou presque parce que j’ai dit volontairement des bêtises). Ce sont simplement des termes que nous avons tous pris l’habitude de voir employés. Seulement, pouvez-vous expliquer ce que c’est ? Soyons honnêtes, très peu de personnes peuvent répondre « oui » et le faire sans dire d’âneries.

Alors oui, derrière, je peux néanmoins laisser l’impression que ça vaut le coup de venir chez moi, d’acheter mes formations ou de prendre des rendez-vous avec moi. Je suis quelqu’un d’intéressant puisque j’utilise un vocabulaire scientifique très précis que vous ne maîtrisez pas de votre côté ! L’absence de termes scientifiques peut desservir totalement ! Dans le paysage actuel, cela ressemble à un manque de technicité, mais ce n’est pas pour autant le cas…

Alors vous commencez à voir la véritable arnaque ? Et bien, tout comme moi, les autres peuvent réussir à composer de jolies phrases pleines de termes techniques. Ils peuvent y ajouter une idée de fond comme fil conducteur pour que ça ressemble à quelque chose et le tour de passe-passe est réussi.

Testons, ensemble !

Voici une idée de fond que je pense sincèrement pertinente : il faut avoir une prise en charge globale du stress. Et maintenant… place au bullshit :

« Faire baisser le cortisol, l’hormone du stress, est un enjeu de toute approche comportementale sérieuse, cela va d’ailleurs permettre une meilleure neuroplasticité. On sait tous qu’un stress trop important empêche tout apprentissage, mais savez-vous pourquoi ? C’est parce que l’amygdale surcharge l’organisme d’informations, qu’il doit gérer, ce qui ne laisse plus de place pour pouvoir faire de nouvelles connexions neuronales. À toutes les échelles, des synapses jusqu’à l’échelle moléculaire, on peut observer les effets de cette surcharge. Cette absence de nouveaux apprentissages amène l’individu à reproduire perpétuellement les mêmes comportements -même s’ils ont des effets néfastes pour lui-. C’est donc à travers la réduction pure et dure du cortisol que vous pourrez redonner la possibilité au cerveau de revenir à une homéostasie et donc à un fonctionnement classique, ce qui permettra à des apprentissages de se faire !

Une prise en charge globale est donc nécessaire, mais pour se faire correctement, il faut absolument comprendre les différents effets du cortisol pour pouvoir le détecter et ainsi pouvoir adapter sa prise en charge.»

Avez-vous vu des problèmes ? Je vous encourage à les noter sur un papier, ils doivent être très nombreux vu que la totalité des termes techniques issus des neurosciences a été utilisée relativement « au pif » !

Cortisol, hormone du stress, neuroplasticité, amygdale, connexions neuronales, synapses … Si vous ne savez pas ce que c’est, que voulez-vous comprendre ? J’ai tout de même glissé que l’on allait détecter le cortisol comme des grands, à l’œil nu, parce que nous sommes très forts ! J’espère que vous l’aviez relevé.

Alors, notons quand même, qu’en vraie méchante, je suis allée un peu plus loin. J’ai ajouté un petit « on sait tous » pour la beauté du geste. Ce « on sait tous » donne l’impression que ce que je dis ensuite est simplement évident. On ne peut pas le remettre en cause puisque : « on le sait tous ». Seulement, la suite de la phrase est totalement fausse : le stress n’empêche pas tout apprentissage ! En réalité, c’est même souvent un moteur très important en matière d’apprentissage puisque si l’individu trouve une solution quelconque pour faire baisser ce qui le stresse, il va le retenir et il va même le retenir très bien !

Je fais cet article surtout pour faire un appel à la prudence. À moins d’être réellement un expert en neuroscience, il est très difficile de juger un texte qui utilise un certain nombre de mots techniques. J’ai été particulièrement gentille ici parce que j’ai utilisé des mots que vous avez sans doute déjà croisés. D’autres vont plus loin et ajoutent de nombreux termes, plus rares, pour augmenter cet effet. Avec un flou plus important, les experts eux-mêmes peuvent en arriver à un « je ne comprends ce qu’il essaie de dire ».

Ce que j’aimerais c’est que l’on se pose une série de questions très simples :

• Est-ce que l’article que je lis et qui parle de neuroscience fait de la bonne vulgarisation ?
• Est-ce que je suis meilleure en neuroscience après cette lecture ?

Si la réponse est « non », cela devrait amener à se poser d’autres questions… Par exemple, si je ne comprends pas un bon nombre de mots, est-ce que je suis le public cible ? Il existe de très bons articles techniques qui sont très pertinents ! Simplement, ils ne sont pas destinés aux personnes qui n’ont pas suivi le cursus correspondant… Bon, c’est comme ça ! Par contre, si je suis le public cible, quel est l’intérêt de me perdre avec un discours imbittable ? Est-ce que ce ne serait pas une forme d’arnaque ?

Provoquer un effet « wahou » est parfait pour faire taire (on n’ouvre pas un débat quand on ne comprend plus rien) ou pour impressionner (que cette personne est savante !)… mais ça devrait surtout appeler une question : est-ce que je suis en face d’un mauvais vulgarisateur (car ça arrive) ou d’un arnaqueur ? Aujourd’hui, je pense que c’est très majoritairement la seconde réponse qui l’emporte et collectivement, nous ne devrions pas donner un centime à des arnaqueurs…


Prenez soin de vous et soyez prudent !