<a href="/actualites/pourquoi-je-ne-parle-plus-de…
Dans le premier article, je vous ai dit que pour moi il y avait un mensonge lorsque l’on parle de sélection comportementale : on croit pouvoir faire un raccourci à l’aide de la race. L’idée est toute simple… Si le comportement est dans les gènes, alors on peut relier très facilement un problème à une cause (génétique) qu’il va falloir gérer, le plus souvent en la laissant s’exprimer là où on le désire puisque nous n’allons pas pouvoir changer les gènes.

Le husky fugue parce que c’est dans son instinct -> donc on ne peut rien faire.
Le border collie a poursuivi un enfant et l’a pincé parce qu’il a déclenché un comportement de troupeau -> donc on va le canaliser à l’aide du troupeau pour remplir ses besoins.
Le malinois a pincé et est monté en excitation parce que c’est dans sa nature -> on va diriger ces comportements vers des jouets et de la mastication.
L’akita a agressé son congénère parce que c’est sa sélection -> donc on ne peut rien faire.

Quand on connait assez de races et qu’on connait les comportements qui y sont couramment associés, on finit par simplement faire un jeu de mémoire : telle race = telle solution. Et dans les exemples que j’ai mis parfois on va se retrouver face à des aveux d’impuissances, nous n’allons pas changer les gènes du chien et parfois on ne pourra juste rien y faire ce qui n’empêche pas une solution d’être proposée. Par exemple « ton husky fugue = améliore tes clôtures ».

Le problème c’est que derrière ces descriptions basiques et peu surprenante il y a des individus différents. Le husky, c’est pas juste un husky, c’est Kinai, c’est Aka, c’est Hachiko, c’est Hourkan, c’est Layen… Le border collie, c’est pas juste un border collie, c’est Oslo, c’est Owen, c’est Roxi, c’est Magma, c’est Loki… Le malinois, c’est pas juste un malinois, c’est Jumper, c’est Lucky, c’est Prince, c’est Robin, c’est Punchi… L’akita, c’est pas juste un akita, c’est Lola, c’est Natsu, c’est Goku, c’est Pouchi, c’est Betty, … Les chiens que je viens de vous citer, ils existent. Ils sont à l’adoption à la SPA (au moment de l’écriture de l’article), certains sont justes typés d’autres ont peut-être un pedigree mais surtout parmi eux, peut-être que certains ont le comportement que j’ai décrit ou peut-être qu’ils ne l’ont absolument pas.

Le truc, c’est que deux huskys qui fuguent peuvent avoir des raisons différentes. Et c’est la même chose pour chaque point que j’ai cité. Appliquer une solution toute faites parce que ça a l’air rapide, en matière de comportement c’est rarement une bonne idée. Peut-être que notre border collie a un véritable problème avec les enfants, un problème qu’il faut prendre au sérieux et qui n’a peut-être rien à voir avec une envie de troupeauter. Peut-être que notre malinois qui pince est en réalité irrité et irritable à cause d’une douleur et le faire croquer autre chose ne l’aidera pas. Peut-être que notre akita qui n’a pas été sympa avec son congénère à mal lui aussi.

Quand on a affaire à un problème de comportement, oui, la génétique rentre en jeu : c’est un paramètre qui est forcément présent et qui définit forcément beaucoup de choses, mais c’est également un paramètre assez inintéressant : c’est le seul que nous ne bougerons pas. Savoir qu’il y a une part génétique dans le fait que ce malinois, irritable, pince au lieu de se tapir dans un coin, ça ne m’aide pas à l’aider. Ça reste vrai, mais on s’en fout. Comprendre d’où vient le problème, quels sont les motivations du chien, quel est son environnement, quel est son histoire, son passif, … Tout ça aura plus d’intérêt. Et oui, il y a une part génétique qui va amener ce chien à préférer l’agression à la fuite, elle restera là et après ? …

L’analyse d’un comportement, c’est un travail d’enquête qui est passionnant mais qui n’a rien d’évident. Et surtout : les raccourcis qui marchent de temps à autres, sont plus des pièges interdisant la réflexion que des portes pouvant nous amener plus loin. Je n’ai pas besoin de réfléchir à la génétique derrière la fugue du husky pour penser à améliorer la clôture, par contre, j’ai besoin de mieux comprendre les diverses fonctions possibles de cette fugue pour comprendre pourquoi il a cette motivation… Et cette compréhension-là, elle m’aide pour tous les chiens de toutes les races...

Donc : connaitre la race (quand on la connait vraiment, ce qui est assez rare) permet de définir une tendance comportementale, ce qui peut être intéressant pour observer la présence du comportement en question mais ça devient surtout piégeux dès que l’on passe à l’analyse d’un comportement puisque cela nous focalise sur l’un des rares points que nous ne pourrons pas faire évoluer (les gènes) et cela va nous détourner de la recherche nécessaire à la compréhension complète du comportement (son historique, comment il évolue, son contexte, ce qui le déclenche, ce qui l’apaise, …).

C’est très tentant parce que quand on débute, réfléchir à la totalité des causes potentielles, c’est comme faire face à un océan de possibilité sans trop savoir comment trier… Seulement, oublier cet océan pour se focaliser sur juste un verre d’eau potentiel, c’est faire un pari qui n’est que rarement à l’avantage du chien ou de sa bonne compréhension. C’est dommage et ça n’aide vraiment pas grand monde. D’ailleurs, si on désire évoluer dans la compréhension, il est super intéressant d’arrêter de se limiter au verre d’eau… L’exercice derrière pourrait être de se poser une question folle : mon border collie qui « a poursuivi un enfant et l’a pincé » et si finalement c’était un chihuahua ? Quelle pourrait être la cause de son comportement ? Au lieu d’examiner un verre d’eau, examinons-en deux… Ca reste très faible mais là, on vient déjà de commencer à ouvrir les possibilités… A force, la question qui est à mon sens, la bonne question à se poser, sera : « un chien a poursuivi un enfant et l’a pincé » pourquoi ? Juste un chien… et là, on s’attaque à notre océan de possibilité et promit, c’est aussi passionnant que ça semble vaste.