Quand on parle d’intelligence animale, on pense l…
Quand on parle d’intelligence animale, on pense le plus souvent aux mammifères, comme le chien, le chimpanzé, l’éléphant ou le dauphin. Et en effet, pendant longtemps, on a pensé que seuls les mammifères étaient dotés d’une intelligence complexe – le reste des espèces animales ne montrant que des sortes de réactions automatiques. Ce n’est que récemment qu’on a commencé à se rendre compte qu’en fait, de nombreuses autres espèces, dont les oiseaux, pouvaient également faire preuve d’intelligence.

Et donc, les piafs… ?
Depuis Darwin, on sait que les espèces animales évoluent en réponse à leur environnement. Et il se trouve que le cerveau des piafs a évolué très différemment de celui des poilus – un cerveau plus petit, organisé dans la longueur et en noyaux, et non en couches. Et avec une densité neuronale supérieure ! A tel point que les oiseaux possèdent en réalité deux fois plus de neurones que les primates. L’hypothèse actuelle pour expliquer cette compactification du cerveau est que cela facilite le vol – un cerveau plus petit est plus léger, et donc c’est mieux pour voler !

Oiseau baies

Photo par Menke Dave (Pixnio)


Qu’est-ce que l’intelligence ?
L’intelligence est un concept dont la définition a beaucoup évolué au fil des siècles. En fait, il s’agit d’une notion relativement abstraite visant à donner une valeur à un comportement. On va donc préférer parler de cognition plutôt que d’intelligence – la cognition étant le processus par lequel un individu acquiert des informations sur son environnement, en construit des représentations, les transforme en connaissances, puis les utilise dans des activités.

Mais comparer la cognition animale à l’aune de la cognition humaine est quelque peu absurde, car cela signifie que l’on considère la cognition humaine comme la référence, alors que chaque espèce animale dispose d’un appareil sensori-moteur spécifique, c’est-à-dire que chacune perçoit le monde différemment, et a des « outils » (corps) différents pour interagir avec son environnement.

D’après l’ornithologue Kevin McGowan, les humains ne s’intéressent par exemple pas vraiment au processus cognitif qui permet à un oiseau de faire l’aller retour entre les États-Unis et l’Argentine sans se perdre, et de revenir se poser exactement sur le même buisson. On se limite, pour évaluer la cognition, à des choses que nous pensons que nous, humains, pouvons faire.

On se base donc actuellement sur plusieurs facteurs, comme le traitement de l’information, la capacité à gérer et à s’adapter à une situation nouvelle, l’apprentissage, la communication (le chant des oiseaux constitue un véritable langage), la transmission de la connaissance, la mémoire (à court et à long terme), la capacité à anticiper des événements futurs, la capacité à travailler en groupe, la reconnaissance d’individus d’autres espèces, le comportement face à la mort ou encore l’empathie.

Des oiseaux intellos
En termes de cognition standard, qui se réfère donc à la cognition humaine, comme la résolution de problèmes, et parmi les plus de 9000 espèces d’oiseaux actuellement connues, les perroquets et les corvidés sont indubitablement sur le podium.

La famille des corvidés compte des oiseaux tels que les corbeaux, les geais, et les corneilles. Ils excellent dans la résolution de problèmes complexes nécessitant de la pré-planification, de la mémoire, de la création d’outils etc. Ils sont capables de reconnaître un visage humain et de se rappeler si la personne représente ou non une menace, et ils ont tendance à retourner voir une personne qui a été amicale avec eux, plutôt qu’un inconnu. Ils semblent ainsi comprendre que chaque personne est différente et qu’ils doivent les approcher différemment.

Corbeau

Photo par pixel2013 (Pixnio)


L’un des corvidés que l’on a le plus observé pour ses capacités cognitives est le corbeau calédonien. Dans la nature, cet oiseau utilise au moins quatre type d’outils différents pour extraire de la nourriture dans diverses situations. L’une de ces techniques consiste à agacer sa proie avec une fine brindille jusqu’à ce qu’elle la morde – le corbeau n’a plus alors qu’à la tirer hors de sa cachette. Et certains corbeaux développent une telle affection pour un outil particulier qu’ils l’emportent partout avec eux.

En captivité, quand ils sont face à un problème complexe et pour obtenir de la nourriture, certains corbeaux peuvent planifier leur action jusqu’à trois étapes à l’avance et adapter leurs outils, par exemple en courbant un fil de fer pour en faire un crochet. Ils sont également capables de travailler avec un ou plusieurs congénères lorsqu’une tâche requiert une collaboration.

Les psittacidae sont très forts aussi en termes de cognition, et en particulier les perroquets. Ils sont capables d’apprendre et de comprendre de nombreux mots, comme le nom des formes et des couleurs – ce qui leur permet par exemple d’aller dans une autre pièce chercher une peluche spécifique dans un tas de peluches mélangées quand un humain le lui demande. Alex, un perroquet gris du Gabon, connaissait à la fin de sa vie plus d’une centaine de mots (il a vécu plus de 30 ans) et comprenait des concepts complexes tels que « pareil », « différent » et « zéro ».

Gris du gabon

Photo par maienkindfotografie (Pixabay)


Un prix spécial est décerné au caïque mitré (une sorte de cacatoès) qui est le premier animal (et le seul, à part l’humain) ayant été observé à fabriquer des instruments de musique. Pour faire sa cour, il utilise des brindilles et des cosses pour fabriquer des baguettes, qu’il frappe ensuite contre un tronc creux. Chaque mâle possède un style musical particulier qu’il crée, avec des motifs qui se répètent.

Bien que le caïque mitré ne danse pas pendant qu’il fait de la musique, d’autres oiseaux ont prouvé être capables de suivre un rythme, et ce même quand on change le tempo.

Le quiscale à grande queue est l’intrus du podium, puisqu’il fait partie d’une famille qui n’est pas considérée comme particulièrement intelligente. Il a été capable non seulement de résoudre les problèmes classiques proposés aux corbeaux, mais également d’adapter rapidement sa stratégie quand les règles du problème changent. Encore plus fort, chaque quiscale approche le problème d’une manière différente, montrant ainsi des modes de pensée individuels.

Quiscales

Quiscales à grande queue femelles (photo par Linda Tanner)


Notons encore dans notre top des oiseaux intellos les pigeons qui sont capables de différencier des images et de les catégoriser, et les cormorans, qui sont capables de compter les poissons qu’ils pêchent.

On a beaucoup appris sur les oiseaux et leur extraordinaire façon de penser au cours des dernières années, et il reste encore probablement tout un tas d’étonnantes choses à découvrir à leur sujet. Ce qui est sûr, c’est qu’il est grand temps de laisser les expressions « tête de linotte » et « cervelle d’oiseau » au musée des croyances obsolètes. Et la prochaine fois que vous verrez un moineau, un rouge-gorge, un pigeon ou une autre bestiole à plume, n'oubliez pas que son intelligence pourrait vous surprendre !

Sources
https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Intelligence-animale.html
https://www.nationalgeographic.fr/animaux/2018/02/lincroyable-intelligence-des-oiseaux
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/oiseaux/les-oiseaux-ont-deux-fois-plus-de-neurones-que-les-primates_103011
https://www.franceinter.fr/emissions/les-savanturiers/les-savanturiers-08-aout-2020
http://www.bbc.com/earth/story/20141107-incredible-tool-use-in-the-animal-world
https://www.sciencealert.com/these-crows-can-plan-three-steps-ahead-to-solve-problems-and-get-food
https://www.nationalgeographic.com/news/2018/03/year-of-the-bird-brains-intelligence-smarts/
https://www.universalis.fr/encyclopedie/cognition/