L’espèce chien est une espèce très largement répa…
L’espèce chien est une espèce très largement répandue à travers le globe. C’est une espèce récente du point de vue de l’évolution, encore très proche d’autres espèces « cousines » qui peuvent encore se croiser et faire des petits viables et fertiles ensembles. Au fur et à mesure de l’évolution, ces espèces vont se réunir à nouveau, gommant leurs divergences ou au contraire, continuer de s’éloigner jusqu’à former deux espèces totalement distinctes ne pouvant plus se reproduire l’une avec l’autre. Cela est très progressif et on trouve sur la planète des exemples assez rares de reproduction entre deux espèces, témoignant d’une proximité qui s’efface peu à peu.

Comprendre ce qu’est une espèce ce n’est pas si évident que ça. On peut croire que c’est une question facile, mais elle est en réalité piégeuse puisqu’elle va dépendre de cette composante de temps.

Il y a trois ans, j’avais proposé cette vidéo sur le sujet.


La totalité des chiens font parti de la même espèce, mais cette espèce connait des sous-populations qui viennent la diviser. Ces sous-ensembles peuvent être naturels (par exemple : si des chiens sont arrivés sur une île et qu’ils se reproduisent entre eux, leurs descendants seront de plus en plus similaires et si des choses peuvent apparaître spontanément, il y aura néanmoins une cohérence globale. Cette population formera un petit sous-ensemble dans l’espèce et si assez de temps passe un regard de l’évolution, cela deviendra peut-être une autre espèce à part entière).

L’humain a également fait des sélections qui sont artificielles et a composé pour l’accompagner le concept de race. Ce concept est une notation humaine qui obéit à des lois arbitraires.


Mais du coup, c’est quoi exactement une sélection comportementale ?

L’exemple le plus facile est celui des renards de Beliaïev qui est un exemple à la fois concret, réel dont on peut voir les résultats. Mais partons plutôt d’une autre base. Imaginons que vous vouliez avoir un chien pour faire du sauvetage en mer. C’est un truc que je ne connais absolument pas mais ce n’est pas très grave, nous allons spéculer. Devant vous vous avez plein de chiens différents, vous avez la possibilité de voyager pour prendre les chiens que vous voulez. Vous allez devoir sélectionner certains de ces chiens pour réussir votre objectif : à la fin, avoir des chiens de sauvetage en mer. Comment les sélectionner ? Vous pourriez noter une série de critères physiques et comportementaux. Si j’envoie un chien de cinq kilos, même avec un gilet et la meilleure volonté du monde, la victime risque de le noyer. Donc dans mes critères je vais noter : un gros gabarit, peut-être à tort, et je vais partir du principe que ce serait bien que le chien n’ait pas d’appréhension à aller dans l’eau. Au contraire, il faudrait que ce chien soit à l’aise et aime aller dans l’eau.

Concrètement, je peux mettre en place un test, on va aller à la mer ou près d’un étang et je ne prendrais que les gros chiens qui vont se baigner. C’est ma première sélection. Je forme un couple ou deux ou trois ou plus encore. Des bébés naissent et parmi eux certains vont aller très volontiers dans l’eau, d’autres un peu moins. Dans ce comportement il y a une variation, parfois minime, mais présente. Parmi eux, on va sélectionner ceux qui vont le plus facilement dans l’eau ou le plus vite et ainsi de suite, de générations en générations. Je vais peut-être ajouter des critères comme sélectionner ceux qui s’approchent le plus facilement ou le plus vite d’une personne dans l’eau ou encore ceux qui sont le plus endurant dans l’eau et à chaque génération, je serais plus exigeante dans mes critères.

Au bout d’un certain temps, si je travaille bien, à force de croisement entre eux, j’aurais une population qui sera relativement stable. Les chiens qui naîtront seront toujours du gabarit que je désire et ils aimeront l’eau.


Notons que la sélection physique est majoritairement très stable : si je prends uniquement des grands chiens, à moins d’une maladie ou d’un défaut de soin (malnutrition par exemple), j’aurais uniquement des grands chiens. Par contre, les sélections comportementales peuvent être « abimées » par les expériences. Si le premier contact avec l’eau de ce chien, c’est de le jeter dans une piscine, il en aura peut-être une peur bleue malgré la sélection.

Donc une sélection comportementale c’est un travail, fait généralement par un éleveur et plus précisément par une série d’éleveur car c’est un travail souvent très long qui se fait de générations en générations. Le résultat final c’est qu’on a fortement augmenté la probabilité que le chien présente le comportement prévu et ce comportement a souvent pris de l’ampleur (car on sélectionne ceux qui le font le plus).

Si on reprend l’histoire des renards, le comportement de départ d’un renard est de fuir l’humain quitte à se blesser et ils ont sélectionné ceux qui étaient les plus sociaux. Le résultat a été très impressionnant puisqu’on parle maintenant des renards issus de cette sélection comme des renards argentés domestiques.

Voici une vidéo du résultat (attention, les images / faits / propos peuvent choquer) :


Il faut garder en tête deux choses : malgré la sélection, il y a toujours des variations. Ici ce sont des renards moins sociaux ou plus agressifs. Dans une race de chien de chasse, ce sont des chiens qui ne chassent pas ou pas très efficacement ou qui vont se détourner de la chasse… Dans mon exemple fictif, ce sont des chiens qui hésitent à aller dans l’eau. Et malgré la sélection, on peut casser le comportement volontairement ou pas. Par exemple, si l’un des renards était battu, il pourrait être beaucoup moins agréable avec l’humain. Si le chien de chasse ne connait aucune socialisation, il pourrait avoir peur de tout même de ses proies potentielles. Et à nouveau, je pourrais apprendre à craindre l’eau à mon chien sélectionné pour l’aimer.

Donc quand on parle de sélection comportementale, on parle d’une volonté de sélection au sein d’une race précise. Quand le chien n’appartient pas à une race, donc quand il n’a pas de pedigree, il n’a potentiellement aucune sélection comportementale précise. Pour s’en assurer, il faut vérifier auprès de l’endroit où il est né, mais assez souvent, ce seront juste des particuliers désirant garder un chiot issu de leur chienne sans aucune ambition de sélection comportementale derrière. Et quand le chien appartient à une race, il faut vérifier sa lignée et le travail de l’éleveur pour s’assurer de la sélection qu’il effectue car au sein d’une même race, il arrive de trouver des divergences de sélection. On parle alors parfois de lignée show, de lignée sport ou encore de lignée de tel ou tel pays qui peuvent présenter des sélections particulièrement divergentes par exemple, dans un pays les chiens peuvent être sélectionnés en dépit de leur sociabilité, créant volontairement ou non des chiens très peu sociaux voire agressifs envers leurs congénères alors que dans un autre pays, on peut, chez la même race, faire une sélection autour de la bonne entente avec les autres, créant des chiens très sociaux.

Et au bout du compte, après s’être intéressé potentiellement à la race et à la sélection qui a été effectué volontairement ou pas, il faut observer l’individu pour voir à quel point il a été touché par cette sélection préalable. En soit, cet individu peut faire partie de ceux qui présenteront très peu la caractéristique sélectionnée et donc de ceux que l’on écarterait à présent de la sélection ou au contraire, il peut être parmi les individus qui la présenteront le plus, et donc parmi ceux que l’on aurait tendance à sélectionner à nouveau.

Voilà ce qu’est une sélection comportementale et l’effet qu’elle a concrètement sur les individus qui naissent. Ce n’est pas quelque chose d’absolu mais une volonté et un travail qui se poursuit (ou pas).