Lorsque l'on adopte un chiot (ou un chien adulte)…
Lorsque l'on adopte un chiot (ou un chien adulte), certaines choses ne sont pas évidentes. Sera-t-il propre ? Va-t-il détruire la maison ? Quand est-ce qu'il va arrêter de mordiller ? Mais d'autres choses au contraire paraissent couler de source comme le fait que, à terme, nous aurons une bonne relation. Les chiens sont ainsi après tout : un cœur immense, une résilience étonnante et une bonne capacité à nouer des liens. Et puis... les chiots vous aimeront parce que ce sont des chiots. Ils aiment tout le monde. CQFD. Vous allez chercher un chien en association, il vous aimera parce qu'il sera tellement reconnaissant. Ils vous le rendront ! Vous avez peut-être déjà entendu ce genre de choses, mais en réalité, c'est juste faux.

Très vite, certains chiens peuvent montrer que l'espèce humaine n'est pas spécialement une source d'intérêt pour eux, faute de mieux c'est peut-être sympa mais s'il y a un congénère, une odeur, un oiseau qui passe, ... tant pis. Vraiment l'humain, on peut l'oublier dans un coin et partir faire sa vie.

Il serait facile de faire une généralité et de vous dire que les nordiques (comme le husky, le berger islandais, le spitz des visigoths, ...) ou les primitifs (comme le Basenji, le chien de Canaan, ...) ont tendance à être particulièrement indépendant, mais la vérité c'est que n'importe quel chien, de n'importe quel type peut se révéler préférer les autres chiens à l'espèce humaine. C'est finalement un comportement assez normal ! Vous ne pouvez pas vous en prémunir en adoptant un Berger Australien, un Bouledogue Français ou que sais-je encore.

Si ce comportement n'a rien de surprenant lorsque l'on prend un peu de recul, c'est néanmoins quelque chose que les humains craignent. Certains choisiront d'avoir un seul chien à la fois pour s'assurer d'une "bonne relation". Ils ne laisseront pas à leur chien l'opportunité de développer, au quotidien, des relations avec d'autres... Comme ça, ils peuvent être le centre du monde de leur chien, un peu plus facilement. C'est un comportement que j'ai du mal à comprendre, il me fait penser à une jalousie telle qu'on ne permet plus à l'autre de vivre sainement, juste pour s'assurer qu'il est tout entier "à soi". Personnellement, je trouve ça très violent pour l'animal et je pense que ce ne sont pas les meilleures bases pour construire une relation. Avoir un seul chien ça implique une responsabilité importante, celle de lui permettre de voir des congénères régulièrement, pour son bien-être. Ces autres liens, ces autres relations sont nécessaires.

Notons que les chiens ne sont généralement pas exclusifs. Ils sont capables de faire des liens et d'avoir des relations avec plusieurs individus (humains, canins, félins, ...). Donc il est possible d'avoir plusieurs chiens qui auront des liens ensembles, des relations uniques et d'avoir également des liens super chouettes avec chacun d'entre eux.

Mais... et si l'un d'entre eux ou même votre seul et unique chien s'en foutait, un peu, beaucoup, passionnément voire même à la folie, des humains et par extension de vous ? Et si pour avoir une seconde d'attention il fallait sortir de la nourriture ou faire mille efforts pour sembler vaguement intéressant ? Et si, votre tout petit chiot préférait partir explorer la forêt seul parce qu'au fond, il s'en fout d'être avec vous ou pas ? Et si, quand vous rentriez votre chien levait à peine la tête pour noter votre arrivée parce que c'est pas vraiment intéressant au fond ?

Ce genre de situation peuvent provoquer beaucoup de désarroi de la part de l'humain qui ne comprend juste pas. On vous promet que vous allez adopter et qu'en suivant vous aurez une super chouette relation. La vérité c'est peut-être plus que vous allez adopter, vous serez tout déboussolé dans votre quotidien, un peu paumé, ça va être dur physiquement et moralement, vous allez traverser un grand désert en regardant votre chien, un peu atterré et petit à petit, ça ira mieux. Petit à petit, vous allez construire une relation. Brique par brique, tout doucement. Ou petit à petit, d'autres sentiments vont naître comme la rancune voire de la déception envers ce chien si différent de votre idéal (ou de votre précédent chien), de la colère envers tout ces moments qu'il gâche, ... Et là aussi, une relation se construira. Une mauvaise relation.

Dans ces conditions, avec ces sentiments qui ne se développent pas ou qui se développent mal, il n'est pas spécialement surprenant d'en arriver à penser à l'abandon. Ce chien indépendant, peut vous montrer qu'il n'a foncièrement pas besoin de vous, alors pourquoi le garder à vos côtés ? Ou sans aller jusqu'à l'abandon, pourquoi passer du temps avec lui ? Pourquoi ne pas le laisser tranquille, dans un coin, et faire le minimum (ce qui peut représenter une autre forme d'abandon) ?

Effectivement, ça peut être tentant d'arrêter de s'investir dans une relation qui ne fonctionne pas bien, mais nous pourrions également essayer de l'améliorer, essayer de travailler sur soi pour mieux comprendre ses propres attentes et vérifier, tout simplement, si elles sont réalistes et justes ou pas.

Imaginez vos relations comme un jardin. Votre chien possède un terreau particulier et vous, vous aimeriez faire pousser un type de graine, par exemple, des fleurs, toutes fragiles. Peut-être que le terrain de votre chien est parfait pour obtenir de la mousse, des fougères et des arbres. Ou peut-être qu'il est au contraire très rude et qu'il verra seulement naître quelques cactus. En tant qu'humain, vous ne pouvez pas changer le terreau de votre chien, il est comme il est. Sa socialisation au monde peut rendre ce terrain plus fertile ou plus aride, il peut le rendre marécageux, presque impraticable, ... Cette période peut rendre les futurs relations très difficiles à construire ou au contraire, un peu plus facile, mais quand vous adoptez, le terrain est comme il est. Vous pouvez tenter de faire quelques aménagements, vous pouvez à force de patience parvenir à changer quelques petites choses un peu comme si à force de planter et d'arroser, on arrivait à créer une toute petite oasis dans un lieu plutôt désertique. Ce n'est pas gagné, mais c'est possible.

Un chien indépendant, c'est comme s'il possédait un terrain souvent idéal pour faire pousser de belles relations avec d'autres chiens. Par contre, vos graines de relations, vos petites fleurs, elles sont en difficulté. Si vous ne faites qu'observer ça, sans réagir ou en faisant le choix de vous éloigner, elles n'ont strictement aucune chance de pousser. Si au contraire, vous faites tout pour aménager les choses en modifiant vos attentes, en proposant des moments plus adaptés à ce chien en particulier, quelque chose poussera. Ce sera peut-être un cactus biscornus qui finira un jour par fleurir de la plus étonnante des manières ou ce sera peut-être de toutes petites fleurs sauvages qui viendront s’incruster dans la mousse, mais vous aurez une réelle place dans ce paysage. Pour ça il n'y a qu'une seule et unique condition, il faut s'investir de la bonne manière. Il faut arrêter de demander tous les efforts au chien. Il faut arrêter de lui demander d'être le terrain parfait, d'avoir les graines pour cette fleur précise qui sera rouge, avec de belles pétales et on ne verra quelle parce que tout le terrain sera aménagé pour la mettre en valeur et puis la météo devra être au beau fixe et puis, tant à faire, le chien aura aussi à sa charge d'être un jardinier attentif... Ce genre d'exigence ne pourront mener qu'à de la déception. Il faut faire sa part.

Ok, mais concrètement ça implique quoi ? Par où on commence ? Vous pourriez commencer par ces deux exercices.

Exercice 1 : Noter tout ce que vous aimez chez votre chien, tout ses bons côtés, tout ce que vous appréciez chez lui.
Par exemple, Kuckunniwi est prudente avec son environnement. Elle est néanmoins curieuse. Elle aime explorer. Elle est un peu cascadeuse parfois et découvre son corps à son rythme. Elle observe et recopie les comportements des autres. Elle se blottit contre moi. Elle adore que les autres (chiens et humains) proposent des activités qu'elle peut tester. Elle est calme en intérieur. Elle aime rencontrer des congénères brièvement. Elle me fait des fêtes trop mignonnes. Elle vient me voir durant les balades collectives. [...]

Exercice 2 : Noter toutes les activités que vous pourriez partager avec votre chien, uniquement des activités qu'il pourrait apprécier.
Par exemple avec Kuckunniwi, se balader dans la nature, se balader avec d'autres chiens, courir dans le jardin, explorer avec elle des trucs ou quand je manipule des trucs faire attention qu'elle puisse les explorer, faire la sieste ensemble, ...

L'idée c'est de trouver des activités, des moments à partager, qui correspondent aux qualités, aux possibilités et aux envies de votre chien. Ici je ne note pas le frisbee freestyle, le hoopers, le cani-cross ou d'autres sports. L'idée c'est d'abord de s'inclure dans le quotidien de son chien et dans les trucs qu'il aime bien. Apporter des activités et lui demander d'y participer, c'est possible mais il y a un risque d'échec beaucoup plus important. Je pense qu'il faudrait faire ça plutôt en deuxième intention, une fois que demander à son chien d'être un peu concentré, c'est pas lui en demander trop.

A force de partager ces petits moments de rien du tout, on apprend à se connaitre et quelque chose peut naître. Si je vous ai mis des exemples avec Kuckunniwi, ce n'est pas anodin, dans ce que j'apprécie chez elle, j'ai noté sa manière de faire la fête. C'est quelque chose qui me touche car le chien qui lève à peine la tête pour vous saluer, ça a été une très bonne description d'elle, jusqu'à ce que ce comportement évolue, à force d'améliorer notre relation. J'ai également noté qu'elle venait me voir durant les balades collectives, c'est loin d'être une évidence surtout que quand je vous parlais d'un chiot capable de partir en pleine forêt en oubliant ses humains, c'était une bonne description d'elle, encore une fois. Maintenant, les autres chiens de la balade peuvent partir et elle peut décider de rester avec moi, c'est un immense cadeau qu'elle me fait.

C'est très tentant de la comparer à mes autres chiens. C'est très tentant d'être déçu ou triste, mais la vérité c'est que nous avions juste un terrain de départ un peu rude, avec une météo ambiante catastrophique et qu'il fallait prendre du temps pour apprendre à se connaitre et faire pousser des jolies choses. J'aime bien cette analogie parce qu'elle rappelle que rien n'est figé. Ce jardin est vivant, il bouge, il se transforme et qui sait ce qu'il pourrait devenir.

Néanmoins, j'ai une facilité : j'aime les chiens indépendants, j'aime les chiens capable de réfléchir pour eux-même. Je les trouve fascinant, ils nous en apprennent tellement sur qui ils sont ! Je pense que c'est une chance immense que d'avoir à ses côtés un chien qui vit, tout simplement et qui vous laisse faire un bout de chemin avec lui, si vous êtes de bons compagnons de route. Ce n'est pas gagné, mais on peut y arriver !

Alors je vous souhaite d'excellentes observations, de bonnes réflexions et j'espère que vous trouverez quelques activités pour accompagner votre chien et peut-être, petit à petit, nouer une excellente relation.