Régulièrement, on peut lire un type d’affirmation…
Régulièrement, on peut lire un type d’affirmation un peu particulier. C’est une erreur de réflexion qui est de penser qu’une partie du problème est immuable. L’exemple typique pourrait être avec les clubs canins et se retrouver sous la forme d’une question, comme par exemple : « Comment faire pour gérer vingt ou trente binômes avec certains chiens réactifs ou dangereux pour les autres, sur un petit terrain sans user de la force ? Que ce soit à travers des colliers étrangleurs, des cris, des chocs divers et variés.» Dans les exemples récents, de ce type de réflexion j'ai pu voir : « on ne va pas ne pas réagir lorsqu’un chien en attaque un autre sur un terrain d’éducation ». Ces questions et ces affirmations servent à légitimer des méthodes violentes. Et effectivement, on ne peut pas gérer vingt ou trente binômes avec des chiens réactifs ou dangereux, sur un petit terrain sans se faire violent que ce soit violent physiquement ou psychologiquement. Et c'est également vrai qu'on ne laisse pas un chien en massacrer un autre sous nos yeux sans réagir !

Seulement, la situation de base est une première décision. Ici les moniteurs du club ou l’éducateur en sont responsables. Donc si un chien en massacre un autre, ce chien n’est pas le seul responsable. La personne qui a organisé ce cadre est responsable autant que lui si ce n’est plus. Définir la responsabilité, c'est important parce que ça veut dire qu'on aurait (sans doute) pu faire autrement à l'origine. Par exemple, dans un autre club, on trouvera des personnes qui vont simplement dire : le terrain est trop petit pour pouvoir gérer vingt ou trente binômes avec des distances de sécurité suffisantes. Dans un autre club, on trouvera également des personnes qui vont définir que certains chiens ne sont pas à leur place ici. S’ils cherchent à attaquer, c’est qu’ils ne sont pas bien et ces chiens seront les premiers contents de ne plus revenir… Ca ne veut pas dire qu’il n’existe aucun lieu adapté à eux, simplement ce petit terrain bondé ne les aide pas. D’autres professionnels vont mettre en place ce qu’il faut pour éviter qu’un chien n’en attaque un autre (choix des chiens présents, choix du mouvement, clôtures, laisses, muselières, …). Et oui, un accident peut arriver mais c’est un accident, pas une méthodologie. Et cet accident doit apprendre des choses aux personnes présentes pour éviter que ça ne se reproduise. C’est le seul apprentissage que l’on doit réellement faire de ce type de situation.

Prenons trois exemples réels, en club canin.

Le premier, une personne tient mal son chien alors qu’elle observe un passage d’agility. Le chien lui échappe et en attaque un autre. Nous sommes hors cours. Son chien n’est habituellement pas agressif sauf envers un type de chien très précis. Ça se termine sans blessure. L’apprentissage à faire ? Il faut faire plus attention hors terrain et notamment lors des moments de pauses. Il faut que les membres du club fassent plus attention, mais également que les moniteurs fassent de la prévention puis surveillent. C’est juste un accident, l’accident le plus bête possible.

Le second, les chiens sont lâchés à tour de rôle sur le terrain pour un cours de sport. Il y a une porte d’entrée et une porte de sortie qui sont différentes depuis le protocole covid. Le chien qui sort ralentit. La personne qui rentre ne fait pas attention, ne voit pas que l’autre n’est pas encore sortie et lâche son chien. Le chien en question sprint sur le précédent et s’en suit plusieurs blessures. A nouveau, c’est un accident. L’apprentissage à faire ? Peut-être que c’est au moniteur d’annoncer que l’on peut rentrer sur le terrain après que la porte de sortie soit bel et bien fermée correctement ?

Le troisième, un chien est lâché pour un bout de cours en liberté sur un terrain d’éducation qui se situe contre un terrain d’agility. Au passage du chien, il oublie son humain et s’énerve sur le grillage qui sépare les terrains. Il n’y a pas de blessures, pas de contacts non plus d’ailleurs. L’apprentissage à faire ? Voir passer les copains à côté, ça ne convient pas à tous les chiens. Nous pouvons décaler les horaires des cours, mais c’est potentiellement compliqué pour les personnes. Dans tous les cas cette situation n’est pas acceptable. On ajoute un brise-vue entre les deux terrains pour limiter la sollicitation visuelle, on lâche les chiens ayant du mal entre les passages ou avant le cours d’agility. Attention, ça ne veut pas dire qu’on ne travaillera pas ce soucis précis, seulement, on ne le travaillera pas sur le terrain d’éducation afin de ne pas le monopoliser et on rend la possibilité de travailler d’autres choses sur ce terrain.

En plusieurs années de club, ce sont les trois seuls incidents entre chiens que nous ayons eu. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à chaque incident, nous apprenons et nous modifions les choses pour réduire les risques.

Dans mes exemples, on peut voir qu’il y a des grillages, des portes, des laisses, … Tout ça, ce sont des moyens de gestion. Mais la gestion c’est également de sélectionner les binômes et de faire attention à plein de petits détails. Par exemple, lorsqu’il n’y avait qu’une seule porte, il pouvait y avoir des attroupements pour rentrer dans le cours avec des tensions entre les chiens. Ça n’allait pas très loin, mais ils n’arrivaient pas avec le bon état d’esprit sur le terrain. Un rond très large avait été tracé autour de la porte et dans cette zone, nous n’acceptions qu’un seul chien à la fois ! Par ce simple aménagement visuel accompagné d’une règle toute bête, nous avons évité de faire monter les binômes en tension dès les premières secondes.

Donc, comment on fait pour gérer une situation impossible ? On ne devrait pas avoir à la gérer. La première des compétences, c’est d’évaluer la situation et de n’accepter que des situations correctes. Il n’y a pas de gloire à dépasser ses propres compétences et à se retrouver à devoir se montrer violent.

Enfin… Vous imagineriez un cuisinier rouler des mécaniques et être fier de lui parce qu’il a coupé sa soupe à l’eau au point de la rendre transparente parce que sinon, comment faire à manger pour trente personnes avec trois patates et deux poireaux ? Ça n’aurait pas de sens. Et quand c’est un éducateur, il n’est pas insipide parce qu’il a trop à faire. Non, l’analogie serait plutôt que le cuisinier ajoute des choses indigestes, avariées et potentiellement dangereuses pour faire plus de quantité. Il n’y a pas de gloire, par contre, il pourrait y avoir de la honte car cela montre l’absence d’une compétence de base.

Donc quand vous avez un défi de ce type, un défi qui légitime de la violence, le premier des réflexes devrait être de se demander si on ne pourrait pas faire autrement… Soyez prudent.